Aux yeux de Dieu, aucune qualité n’est plus importante que l’amour. Quels que soient les dons que possède un homme, même des dons miraculeux, sans l’amour cet homme n’est rien. Quels que soient les actes de foi qu’il pose, quels que soient les sacrifices auxquels il consent, sans amour, cela ne lui sert de rien (1 Cor. 13.1-3). Quand on demanda à Jésus quel commandement de la Loi de Moïse était le plus grand, il répondit sans hésitation que le premier était d’aimer Dieu et que le deuxième était d’aimer son prochain (Marc 12.28-31). L’amour est si fondamental que l’apôtre Jean dit : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4.7,8). Selon Jésus, c’est par leur amour que l’on devrait pouvoir reconnaître ses disciples (Jean 13.35).
Malheureusement, les mots « amour » et « aimer » sont employés pour beaucoup de choses différentes aujourd’hui, ce qui fait que l’on peut facilement mal comprendre leur sens dans la Bible. Dans le langage courant, on emploie « amour » pour parler du sexe, d’une préférence en matière de nourriture, du patriotisme, de la tendresse d’une mère pour son enfant, et de mille autres choses. Très souvent l’amour est considéré comme une émotion. Parfois, on parle comme si la personne qui aime doit toujours faire ce que l’objet de son amour veut (« Si tu m’aimais, tu coucherais avec moi pour le prouver »), ou ne jamais faire ce qui déplaît à l’objet de son amour (« J’aime trop mon enfant pour le punir ou le priver de quoi que ce soit »). Cela vaut donc la peine de commencer par un effort de définir l’amour selon la Parole de Dieu.
Qu’est-ce que l’amour ?
Puisque « l’amour est de Dieu » (1 Jean 4.7) et que « pour nous, nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier » (1 Jean 4.19), il semble logique, pour comprendre l’amour, de réfléchir en premier sur l’amour que Dieu nous a montré. Ce qui nous frappe est le fait que, dans son amour, Dieu veut nous faire du bien, malgré le fait que nous n’en sommes pas dignes et malgré le prix inimaginable qu’il eut à payer pour procurer le bien qu’il nous fallait :
« Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. » (Rom. 5.8)
« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jean 3.16)
« Nous tous aussi, nous étions de leur nombre, et nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair, accomplissant les volontés de la chair et de nos pensées, et nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres. Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés. » (Éph. 2.3-5)
Dieu ne nous a pas aimés parce que nous étions aimables ; nous étions spirituellement morts, dignes d’être punis, des objets légitimes de sa colère. Malgré tout ce que nous avions fait de mal, Dieu voulait notre bien, et cette bonne disposition en lui l’a poussé à agir pour nous sauver. C’est ainsi que l’expression « bienveillance invincible » a été proposée. L’amour serait la volonté résolue de rechercher ce qui est dans l’intérêt de la personne qu’on aime parce qu’on lui attache une grande valeur, une extrême importance. L’amour est contraire à l’égoïsme et l’orgueil. Ainsi, l’apôtre Paul écrit : « L’amour n’est point envieux ; l’amour ne se vante point, il ne s’enfle point d’orgueil […] il ne cherche point son intérêt » (1 Cor. 13.4,5).
Que l’on parle de l’amour pour Dieu, pour un époux, pour un voisin ou pour un ennemi, il faut comprendre que l’amour est, au fond, une affaire de volonté. De nombreux mariages échouent parce que les époux voient l’amour comme étant, avant tout, une question de sentiment. Ils décident de se divorcer « parce qu’on ne s’aime plus » ; ils ne diraient jamais qu’ils ont décidé de ne plus se traiter l’un l’autre de la manière qu’ils avaient promis de faire lorsqu’ils ont prononcé leurs vœux. Ils veulent dire qu’ils ne ressentent plus les mêmes émotions l’un envers l’autre. Mais l’amour n’est pas ce qu’on ressent – les émotions changent d’un moment à l’autre ; c’est plutôt une volonté tenace et le comportement qui en découle.
L’amour pour Dieu
« Un des scribes […] s’approcha et lui demanda : Quel est le premier de tous les commandements ? Jésus répondit : Voici le premier : Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur, et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. » (Marc 12.28-30)
De tous les amours qui puissent exister en nous, le plus grand devrait être notre amour pour Dieu. Nous devrions lui attacher une valeur sans borne, reconnaître que personne ne pourrait avoir plus d’importance à nos yeux que Celui qui nous a créés, Celui qui nous accorde jour par jour la vie et tout ce dont nous avons besoin, Celui qui, malgré nos rébellions et nos faiblesses, « nous a aimés le premier » (1 Jean 4.19). Quand on parle d’aimer Dieu, il n’est pas tellement question de « rechercher ce qui est dans son intérêt ». Après tout, comme Paul dit aux Athéniens, Dieu « n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses » (Actes 17.25).
Si nous prisons Dieu plus que toute autre chose, si nous l’aimons de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force, nous voudrons ardemment l’honorer et faire ce qui lui plaira. La seule manière de faire cela est par notre obéissance à sa Parole. L’obéissance vaut mieux que les sacrifices (1 Sam. 15.22). Appeler Jésus « Seigneur » ou accomplir même des miracles en son nom n’aura servi à rien si nous n’avons pas fait la volonté de son Père qui est dans cieux (Matt. 7.21-23).
Jésus dit :
« Si vous m’aimez, gardez mes commandements. » (Jean 14.15)
« Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime […] Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. » (Jean 14.21-24)
« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. » (Jean 15.10)
Son apôtre, Jean, parle dans le même sens :
« Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l’avons connu. Celui qui dit : Je l’ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est véritablement parfait en lui : par là nous savons que nous sommes en lui. » (1 Jean 2.3-5)
« Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles. » (1 Jean 5.3)
« Et l’amour consiste à marcher selon ses commandements. » (2 Jean 6)
Il est certainement possible d’obéir à de nombreux commandements de Dieu sans être motivé par l’amour pour lui. Par exemple, Jésus a bien dit : « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes pour en être vus ; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux » (Matt. 6.1). Mais il n’est pas possible d’aimer Dieu sans faire de notre mieux pour obéir à ses commandements. Cela veut dire que nous devons faire très attention de ne pas mettre les commandements des hommes à la place de ceux de Dieu.
« Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi. C’est en vain qu’ils m’honorent, en donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes. Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. » (Marc 7.6-8)
Si nous voulons aimer Dieu, appliquons-nous à étudier sa Parole et la mettre en pratique.
L’amour pour le prochain
« Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » (Marc 12.31)
Dieu doit avoir la première place ; c’est lui qu’on doit aimer de TOUT notre être. Mais le Seigneur exige de nous un très grand amour pour nos semblables aussi. Nous devons attacher une valeur inestimable à chaque personne et vouloir son bien. (Puisque nous, en tant que chrétiens, reconnaissons que chaque être humain passera l’éternité quelque part, nous savons que le bien d’une personne n’est pas limité à son existence terrestre. L’amour nous pousse à œuvrer pour ce qui est dans l’intérêt de notre prochain physiquement, moralement et spirituellement.) Si j’aime l’autre comme moi-même, je le traiterai conformément à la parole de Christ qu’on appelle communément la règle d’or : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux » (Matt. 7.12).
Disons en passant que le commandement cité par Christ, celui d’aimer son prochain comme soi-même, ne sous-entend pas, comme certains le disent de nos jours, que l’on ne peut pas aimer son prochain si l’on n’a pas déjà cultivé son amour-propre, si l’on a trop peu d’estime de soi. Pour Jésus il va sans dire que les hommes s’aiment eux-mêmes, dans le sens où ils cherchent automatiquement ce qu’ils pensent être dans leur intérêt.
Il nous manque souvent d’objectivité, et nous justifions facilement nos mauvaises actions. Nous nous persuadons parfois que nous faisons bien, alors que nous n’agissons pas, en fait, par amour. Même lorsque nos motifs sont purs, il peut nous arriver de faire ce qui n’est pas du tout dans l’intérêt de notre prochain. Heureusement, la même source qui nous fait savoir ce qui honore Dieu et ce qui lui plaît est là pour nous enseigner ce que l’amour du prochain exige : les commandements de Dieu contenus dans la Bible. En effet, après avoir dit que le premier commandement était d’aimer Dieu et que le deuxième était d’aimer son prochain, Jésus ajouta : « De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes » (Matt. 22.40). D’autres passages soulignent la même idée :
« Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime les autres a accompli la loi. En effet, les commandements : Tu ne commettras point d’adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu’il peut encore y avoir se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait point de mal au prochain : l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Rom. 13.8-10 ; voir aussi Gal. 5.14)
La Bible est remplie d’enseignements qui nous montrent comment nous devrions nous conduire envers différentes personnes dans notre vie. Un père qui aime ses enfants fournit à ceux-ci le nécessaire pour leur vie physique (1 Tim. 5.8), mais une bonne éducation spirituelle aussi (Éph. 6.4; voir aussi Héb. 12.5-11). Une femme qui aime son mari lui est fidèle sexuellement (elle est « chaste ») et le traite avec respect (1 Pi. 3.1,2). Un mari qui aime sa femme l’honore comme co-héritière avec lui de la grâce de Dieu (1 Pi. 3.7) ; il la nourrit et en prend soin, comme il fait pour son propre corps et comme Christ fait pour l’Église (Éph. 5.28,29).
Il faut aimer tout le monde, mais le degré d’amour que je dois ou la responsabilité que l’amour m’impose envers chacun n’est pas identique. Je dois aimer et honorer mes parents (Matt. 15.4,5; Éph. 6.1-3), mais je dois aimer Jésus encore plus (Matt. 10.37). Je dois aider les nécessiteux, mais j’ai un devoir particulier envers les membres de ma famille (1 Tim. 5.8). Il est aussi normal de privilégier les membres de la famille spirituelle qu’est l’Église : « Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous et surtout envers les frères en la foi » (Gal. 6.10).
Celui qui aime répond aux besoins matériels de ceux qui souffrent : « Si quelqu’un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? » (1 Jean 3.17). Celui qui aime fait tout son possible aussi afin que les hommes perdus entendent l’Évangile pour être sauvés. L’apôtre Paul démontrait cet amour envers ses frères juifs incrédules, malgré le fait qu’ils le persécutaient de ville en ville :
« J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le cœur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être maudit et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair […] Le vœu de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés. » (Romains 9.2,3; 10.1)
L’amour pour les ennemis
L’exemple de Paul et les Juifs qui le persécutaient nous amène au devoir le plus difficile, celui d’aimer nos ennemis. Certes, le mot « prochain » comporte tout le monde, y compris les ennemis, mais la Bible ne laisse pas planer de doute sur ce point. Jésus dit :
« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? » (Matt. 5.44-46)
Quant à l’apôtre Paul, il recommande : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire » (Rom. 12.20).
Les pensées de C. S. Lewis sur l’amour de l’ennemi sont à propos. Après avoir reconnu que le Seigneur lui dit d’aimer son prochain, et donc son ennemi, comme il s’aime lui-même, Lewis se demande : « Comment se manifeste l’amour que j’ai pour moi ? » Il constate qu’il n’éprouve pas exactement de l’affection pour lui-même et ne jouit parfois même pas de sa propre compagnie. Il conclut que « aimer son prochain » ne signifie pas éprouver de l’affection pour l’autre ou le trouver attirant. Il va plus loin :
« J’estime non seulement que je ne suis pas un excellent individu, mais que je suis fort désagréable. Je me remémore avec horreur et dégoût certains actes que j’ai accomplis. Aussi, m’est-il permis d’exécrer et de haïr les mauvaises actions de mes ennemis. Maintenant que j’y réfléchis, je me souviens des professeurs chrétiens d’autrefois m’expliquant que je devais haïr les mauvaises actions d’autrui, mais non l’individu lui-même ; haïr le péché mais non le pécheur.
Fort longtemps, j’ai pensé que c’était là un distinguo stupide qui coupait les cheveux en quatre. Comment pouvait-on haïr ce qu’un homme faisait sans haïr l’individu ? Or, bien des années plus tard, il me vint à l’esprit qu’il y avait un homme que j’avais traité ainsi toute ma vie, c’était moi-même. Quel qu’ait pu être le dégoût de ma lâcheté, mon orgueil ou ma cupidité, j’ai continué à m’aimer sans la moindre difficulté. » (C. S. Lewis, Les fondements du christianisme)
Comment cultiver l’amour en nous
Lewis continue avec le conseil suivant pour nous aider à grandir en amour :
« Bien qu’il convienne normalement d’encourager les affections naturelles, penser que la façon de devenir charitable consiste à essayer de cultiver des sentiments affectueux serait une grave erreur […] Ne vous tracassez pas de savoir si vous « aimez » votre voisin ; agissez comme si vous l’aimiez […] Lorsque vous vous conduisez comme si vous aimiez une personne, vous en arrivez bientôt à l’aimer. De même, si vous blessez quelqu’un qui vous déplaît, vous en arrivez bientôt à le détester encore plus. Rendez-lui un service, vous le détesterez moins !
On dit aux gens qu’ils doivent aimer Dieu. Or ils ne découvrent aucune trace de cet amour en eux-mêmes. Que doivent-ils faire ? La réponse est la même que précédemment : agissez comme si vous ressentiez cet amour. Ne vous forcez pas des heures durant à susciter un tel sentiment. Demandez-vous : « Si j’étais assuré d’aimer Dieu, que ferais-je ? » Quand vous aurez trouvé la réponse, mettez-la en pratique.
Personne ne saurait éprouver en permanence des sentiments pieux ; serait-ce même le cas, sachons que Dieu ne se soucie pas spécialement de tels sentiments. L’amour chrétien, qu’il s’exerce envers Dieu ou envers les hommes, est une affaire de volonté. Si nous nous efforçons de faire la volonté de Dieu, nous obéissons au commandement : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. » (Lewis, ibid.)
Plusieurs choses pourraient nous aider à aimer plus. Quand nous nous réunissons dans l’Église, nous pouvons, par les encouragements mutuels, « nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres » (Héb. 10.24,25). Le Saint-Esprit en nous peut nous aider à grandir en amour (Rom. 5.5; Gal. 5.22). Réfléchir sur l’amour que nous avons reçu de la part de Dieu nous apprend à mieux aimer Dieu et les autres (Luc 7.47; 1 Jean 3.16). Et enfin, comme nous venons de le voir, exerçons-nous à pratiquer l’amour comme Dieu nous le demande au lieu de fixer notre attention sur le fait de le ressentir.
B. B.
(Dans Vol. 18, No. 4)