Le jeûne

« Alors les disciples de Jean vinrent auprès de Jésus, et dirent : Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous, tandis que tes disciples ne jeûnent point ? Jésus leur répondit : Les amis de l’époux peuvent-ils s’affliger pendant que l’époux est avec eux ? Les jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit ; car elle emporterait une partie de l’habit, et la déchirure serait pire. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement, les outres se rompent, le vin se répand, et les outres sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et le vin et les outres se conservent. » (Matthieu 9.14-17)

Dans la première partie de ce texte, les disciples de Jean-Baptiste demandent à Jésus pourquoi eux et les pharisiens jeûnaient, tandis que ses disciples ne jeûnaient pas. Rien ne suggère que leur question constituait une accusation ou un piège. Apparemment ils cherchaient simplement à savoir pourquoi il y avait cette différence.

De nos jours aussi, beaucoup de personnes sont confuses par les différentes pratiques concernant le jeûne. Les fidèles dans certaines Églises parlent souvent de jeûnes à divers moments au cours de l’année. Les catholiques et les membres de certains autres groupes observent ce qu’ils appellent le carême, une période de 40 jours de jeûne partiel dont la fin correspond à leur fête de Pâques. Même les musulmans font une sorte de jeûne pendant les 28 jours du mois de ramadan où ils ne mangent ni ne boivent pendant la journée. Les uns jeûnent pour avoir le Saint-Esprit, les autres parlent de réconciliation et d’autres encore cherchent, au moyen du jeûne, le pardon de leurs péchés.

Dans cette étude nous voulons identifier certaines fausses conceptions du jeûne, définir le sens biblique du jeûne et nous rappeler quelques conseils de la Bible sur la manière acceptable de jeûner.

I. De fausses conceptions du jeûne (sans fondement biblique)

Pour beaucoup de gens, le jeûne est surtout une observance annuelle ordonnée par l’Église, un temps fixe où l’on s’impose une certaine abstinence. Certains font comme les musulmans et ne mangent pas entre le lever et le coucher du soleil. D’autres se privent de quelque chose qui leur procure du plaisir et dont ils ont l’habitude de jouir. Plusieurs raisons sont données pour cette observance. On dit que cette privation volontaire aide la personne à se préparer spirituellement pour Pâques, à se renouveler, à se rappeler certains événements dans la vie de Jésus, ou à mieux prier. Les uns observent ce jeûne avec dévotion, les autres par conformité et malgré eux.

Une raison fondamentale pour NE PAS enseigner le jeûne dans ce sens est que la Bible n’en parle pas du tout. Aucune des fêtes annuelles connues dans les dénominations de nos jours (Pâques, Pentecôte – comme fête « chrétienne », Ascension, Toussaint, Noël, carême) n’était observée dans l’Église au temps des apôtres. Or, les hommes n’ont pas le droit d’ajouter des pratiques que Dieu n’a pas jugé bon de recommander dans la Bible. Il nous faut apprendre « à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit » (1 Corinthiens 4.6). Sinon, nous serons coupables de l’une des fautes des pharisiens à qui Jésus appliqua ces paroles sévères : « C’est en vain qu’ils m’honorent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d’hommes » (Matthieu 15.9). « Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine de Christ n’a point Dieu » (2 Jean 9).

D’autres enseignent que le jeûne est un moyen d’augmenter la foi. Cette idée est le thème central d’un livret intitulé : Parce que vous n’avez pas cru. Certains recommandent de jeûner souvent afin d’affermir sa foi et se purifier. Beaucoup ajoutent que cela permettra de recevoir le Saint-Esprit et de faire de nombreux miracles.

Encore, ces idées ne sont pas basées sur un enseignement clairement biblique. La Bible nous recommande plusieurs choses qui peuvent fortifier notre foi, mais le jeûne n’est pas parmi elles. Nous devons nous méfier d’attribuer au jeûne ce que la Bible ne lui attribue pas.

Le jeûne est aussi présenté parfois comme un moyen d’obtenir la bonne santé. On nous dit qu’en jeûnant nous pourrons être guéris de nos maladies physiques, nous vacciner contre ces maladies et enlever les impuretés de notre corps et de notre sang. Le jeûne peut avoir une valeur thérapeutique pour certains malades, mais aucun passage de la Bible ne recommande le jeûne pour cette raison. En plus, on ne trouve aucun exemple biblique où il fut dit à une personne malade de jeûner pour être guérie ou délivrée.

II. Le sens biblique du jeûne

Une trentaine de passages dans l’Ancien Testament mentionnent le fait de jeûner. Le sujet apparaît neuf fois dans le Nouveau Testament. Dans la vaste majorité de ces textes, le jeûne sert à manifester la tristesse.

Dans une douzaine des cas, le jeûne est associé au deuil ou à l’inquiétude. Un exemple typique se trouve en 2 Samuel 1.11,12, où David et ses soldats apprirent la nouvelle que le roi Saül et son fils Jonathan avaient été tués au cours d’une bataille contre les Philistins.

« David saisit ses vêtements et les déchira, et tous les hommes qui étaient auprès de lui firent de même. Ils furent dans le deuil, pleurèrent et jeûnèrent jusqu’au soir, à cause de Saül, de Jonathan, son fils, du peuple de l’Éternel, et de la maison d’Israël, parce qu’ils étaient tombés par l’épée. »

En Psaume 69.11,12 le jeûne est aussi cité parmi les expressions typiques de deuil parmi les Juifs : « Je verse des larmes et je jeûne, […] je prends un sac pour vêtement. » Dans le livre d’Esther, nous voyons la réaction des Juifs quand ils apprirent que l’ordre avait été donné par l’empereur perse de faire périr toute la race juive :

« Mardochée, ayant appris tout ce qui se passait, déchira ses vêtements, s’enveloppa d’un sac et se couvrit de cendre. Puis il alla au milieu de la ville en poussant avec force des cris amers […] Dans chaque province, partout où arrivaient l’ordre du roi et son édit, il y eut une grande désolation parmi les Juifs ; ils jeûnaient, pleuraient et se lamentaient, et beaucoup se couchaient sur le sac et la cendre. » (Esther 4.1,3)

Au vu de cette première signification de l’acte de jeûner, il n’est pas surprenant de voir que le jeûne était associé également à la repentance, encore comme signe de tristesse. Quand Jonas annonça aux hommes de la ville de Ninive le jugement de Dieu sur eux,

« Les gens de Ninive crurent à Dieu, ils publièrent un jeûne, et se revêtirent de sacs, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits […] Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas. » (Jonas 3.5,10)

En 1 Samuel 7.3-6 le prophète Samuel exhorta les Israélites à revenir à l’Éternel, en se détournant de leurs idoles. La réaction du peuple à cet appel fut positive : « Ils jeûnèrent ce jour-là, en disant : Nous avons péché contre l’Éternel ! »

Nous voyons le cas d’un individu qui jeûna pour marquer sa repentance dans la personne du roi Achab. Ayant appris la punition qui devait tomber sur lui à cause de son péché dans l’affaire de la vigne de Naboth,

« Achab se déchira ses vêtements, il mit un sac sur son corps, et il jeûna : il couchait avec ce sac, et il marchait lentement. Et la parole de l’Éternel fut adressée à Élie, le Thischbite, en ces mots : As-tu vu comment Achab s’est humilié devant moi ? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant sa vie. » (1 Rois 21.27-29)

L’idée de s’humilier devant Dieu à cause de son péché est aussi présente dans les instructions de la loi de Moïse concernant la fête des Expiations (Lévitique 16.29). Selon la pensée des Juifs, l’appel à « humilier son âme » imposait qu’on jeûne en réfléchissant sur ses péchés. En fait, bien que la tradition juive ait introduit plusieurs autres jeûnes collectifs au cours de l’année, celui du jour des Expiations était le seul qui était considéré avoir ses origines dans la loi de Dieu.

Dans d’autres passages bibliques, nous voyons que le jeûne sert à appuyer une demande à Dieu au sujet de laquelle on est très ému ou inquiet. Un exemple d’un tel jeûne se trouve en 2 Samuel 12.15-23. L’enfant du roi David « fut dangereusement malade. David pria Dieu pour l’enfant, et jeûna […] Le septième jour, l’enfant mourut. » Quand David apprit que l’enfant était mort, il se lava, changea de vêtement et mangea, ce qui étonna ses serviteurs. Ceux-ci s’étaient attendus à des manifestations encore plus dramatiques de l’émotion du roi. David leur expliqua :

« Lorsque l’enfant vivait encore, je jeûnais et je pleurais, car je disais : Qui sait si l’Éternel n’aura pas pitié de moi et si l’enfant ne vivra pas ? Maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? »

David ne jeûnait pas simplement par tristesse, mais pour appuyer sa prière. Ayant reçu la réponse à sa prière (dans ce cas la réponse fut : non, je n’accorde pas ce que tu demandes), David vit qu’il était inutile de continuer ce jeûne.

D’autres exemples de jeûnes observés en demandant l’aide de Dieu dans un but précis se trouvent en Esther 4.10-17, Psaume 35.13, et plusieurs autres passages. Dans le Nouveau Testament aussi il paraît que l’Église, en envoyant des hommes pour une mission d’évangélisation, jeûnait pour implorer la protection et la bénédiction de Dieu sur ceux qui partaient (Actes 13.2,3). Quand de nouvelles assemblées nommaient des anciens, nous voyons qu’ils priaient et jeûnaient aussi (Actes 14.23), peut-être afin de demander de l’aide pour l’assemblée dans le choix des dirigeants, ou peut-être afin de demander à Dieu de fortifier et d’accorder de la sagesse aux hommes qui assumaient cette grande responsabilité spirituelle.

À la lumière de ce que nous avons vu plus haut, le texte qui figure au début de cet article (Matthieu 9.14-17) avec son image de l’époux et ses amis se comprend beaucoup plus facilement. Le jeûne montrait typiquement l’affliction du cœur. La présence de Jésus parmi les hommes était un sujet de grande joie. Le Messie, attendu depuis des siècles, était enfin venu pour apporter le salut, la paix avec Dieu. Imposer un signe de tristesse et de souci tel que le jeûne à ceux qui connaissaient la joie d’accueillir le Sauveur serait aussi mal placé que de l’imposer aux invités à un festin de mariage. S’imposer la faim supprime la joie au lieu de l’encourager. En même temps, si l’on jeûne au moment de la joie, on fait perdre à cet acte son sens, qui est d’exprimer une autre sorte de sentiment que la joie. C’est pour cela que Jésus fait la comparaison à l’idée de déchirer un morceau d’un nouveau tissu pour réparer un vieil habit, ou de mettre du vin nouveau qui continue de fermenter et donc d’enfler dans de vieilles outres faites de peau affaiblies parce qu’elles ont déjà été tendues à leur limite.

Il ne convenait donc pas aux disciples de Jésus de jeûner pendant qu’il était sur terre avec eux. Les jours viendraient après son retour au ciel quand les chrétiens le trouveraient à propos de jeûner. Mais le christianisme ne changerait pas dramatiquement le sens du jeûne.

III. La bonne manière de jeûner

Comme nous venons de le dire, les paroles de Jésus suggèrent qu’il y aura des moments où ses disciples jeûneront. Mais quand ils jeûnent, ils doivent observer certains principes pour être agréables à Dieu.

Il faut jeûner de façon discrète, sans chercher à se faire remarquer par les hommes. Si l’on jeûne, on doit le faire pour Dieu et non pas pour que les hommes nous louent ou sympathisent avec nous. Voici ce que Jésus enseigne en Matthieu 6.16-18 :

« Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »

Le jeûne ne peut pas remplacer une vie de dévotion et soumission à Dieu. Se livrer à une vie mondaine, à l’ivresse, à l’immoralité et à la fraude pendant toute l’année pour s’en abstenir à contrecœur pour un temps de jeûne imposé ne peut pas satisfaire à Dieu. Quand le jeûne est censé être un signe de repentance, il faut qu’il soit accompagné d’une vraie repentance. L’Éternel expliqua à son peuple en Ésaïe 58 que ce qui l’intéresse plus que l’abstinence de nourriture est le fait de changer de cœur et de comportement.

« Voici le jeûne auquel je prends plaisir : détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et qu’on rompe toute espèce de joug ; partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable […] Alors tu appelleras, et l’Éternel répondra ; tu crieras, et il dira : Me voici ! Si tu éloignes du milieu de toi le joug, les gestes menaçants et les discours injurieux […] ta lumière se lèvera sur l’obscurité, et tes ténèbres seront comme le midi. » (Ésaïe 58.6,7,9,10)

Conclusion

Le jeûne peut toujours nous aider à exprimer à Dieu ce que nous avons dans le cœur. Il y aura des moments où nous décidons, individuellement ou en tant qu’assemblées locales, de prier et jeûner à l’égard de telle ou telle situation d’une importance particulière. Mais ce sera selon les circonstances que nous vivons et non selon le calendrier.

En pratiquant le jeûne, gardons-nous aussi de lui attribuer ce qu’il n’est pas censé faire : augmenter la foi, nous guérir physiquement ou nous procurer le pardon des péchés. Une seule chose peut enlever nos péchés : le sang de Christ. Dans l’article qui suit, vous verrez comment entrer en contact avec ce sang qui purifie.

B. B.
(Dans Vol. 4, No. 6)