La polygamie

*Si vous trouvez que ce sujet n’est pas pertinent dans votre pays parce que la polygamie ne fait pas partie de vos mœurs, prenez quand même le temps de lire ce numéro. Plusieurs principes dans cette étude s’appliquent à la question du divorce et du remariage. En plus, les idées concernant le mariage sont constamment mises en question dans les sociétés occidentales. Si le mariage homosexuel se fait accepter aujourd’hui dans certains pays, il n’est pas invraisemblable que l’on voie demain des campagnes en faveur du droit de contracter des mariages polygames. Enfin, des immigrants en Europe ou en Amérique qui viennent de pays où le mariage polygame n’est pas accepté se sont mis à pratiquer une forme de polygamie : ils ont une femme et des enfants dans leur pays d’origine, et une autre famille dans leur pays adoptif.


Le problème

De nombreuses personnes en Afrique sont touchées par le problème de la polygamie. Bien que certains hommes continuent de prendre plusieurs femmes, d’autres ont vu que la polygamie est un piège. Les avantages qu’elle semble offrir sont moins importants que les malheurs qu’elle crée.

L’homme pense au prestige, au plaisir que lui procurerait une femme plus jeune et plus belle, et peut-être à l’aide de plusieurs femmes et de leurs enfants dans ses travaux champêtres. Il découvre plutôt que les charges d’une si grande famille dans le monde moderne sont lourdes : frais de scolarité, habillement, ordonnances médicales, nourriture, etc. Il a du mal à supporter les querelles entre ses épouses. Et il se voit toujours en train de mentir dans un effort de ne pas exciter la jalousie de l’une ou de l’autre.

La première femme a peut-être accepté l’idée d’un foyer polygame en pensant à l’aide dans ses devoirs domestiques. La nouvelle femme pensait à la sécurité matérielle et sociale d’un mariage avec un homme déjà établi dans la vie. Chacune s’est retrouvée dans une situation où elle doit lutter contre sa rivale afin d’avoir l’amour et l’argent de son mari pour elle-même et pour ses enfants.

L’enfant, qui n’a pas choisi de naître dans un foyer polygame, se voit négligé par son père, qui a peut-être déjà trop d’enfants pour bien s’occuper d’eux tous. Peut-être que l’enfant est méprisé par sa marâtre. Peut-être qu’il ne reçoit pas les mêmes avantages donnés à ses frères et sœurs parce que sa mère n’est pas la femme préférée.

Il existe sûrement des exceptions, des foyers polygames où l’on trouve une bonne entente, mais les témoignages négatifs abondent. Il suffit de considérer les foyers polygames cités dans la Bible pour trouver une confirmation : Abraham et ses femmes Sara et Agar (Gen. 16.1-6; 21.1-12), Jacob et ses femmes Léa et Rachel (Gen. 29.31–30.24), Elkana et ses femmes Anne et Peninna (1 Sam. 1.1-8) montrent tous le potentiel pour la discorde quand on se marie à plus d’une femme. Dans le cas du roi David, c’étaient les enfants de ses différentes femmes qui perpétuaient et même rendaient violente la rivalité.

La polygamie, pourtant, produit plus que des problèmes de mésentente domestique ; elle représente aussi un problème moral. Les différentes dénominations catholiques et protestantes ont pris toute une gamme de positions face à ce problème. Certaines Églises défendent à leurs membres de prendre plus d’une femme, mais acceptent et baptisent ceux qui se sont mariés à plus d’une femme avant d’entendre l’Évangile. D’autres demandent au polygame de se séparer de toutes ses femmes sauf la première avant de recevoir le baptême. D’autres refusent aux polygames le baptême et la communion, mais leur permettent de jouer un rôle actif dans la vie de l’Église locale. D’autres encore, généralement d’origine africaine, approuvent la polygamie, leurs fondateurs mêmes prenant plusieurs femmes.

Que faut-il enseigner et pratiquer à cet égard ? Comme pour toute autre question de moralité, la Bible seule doit faire autorité. Il est important de signaler dès le départ de nos recherches que Dieu nous dit : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées » (Ésaïe 55.8,9). C’est Dieu seul qui peut nous montrer ce qui est réellement selon la justice, la charité et la sainteté.

Le mariage et l’adultère

La Bible déclare sans équivoque : « Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure, car Dieu jugera les impudiques et les adultères » (Héb. 13.4). Dieu exige que les hommes respectent le mariage, une institution qu’il a lui-même ordonnée. Violer ses principes, c’est souiller quelque chose de pur. Se rendre coupable de l’impudicité (fornication, débauche) ou de l’adultère mérite la condamnation de Dieu. Ceux qui commettent ces péchés se souillent (Marc 7.21-23), doivent être ôtés du milieu de l’Église (1 Cor. 5.11-13), n’hériteront pas le royaume de Dieu (1 Cor. 6.10), pratiquent des œuvres de la chair (Gal. 5.19), et seront jetés dans l’étang de feu (Apoc. 21.8). Il n’est pas étonnant que Paul dise : « Fuyez l’impudicité ! » (1 Cor. 6.18). Au vu d’un si grand danger, nous devons nous garder avec soin de participer à ou d’approuver des actes de péché sexuel.

Mais est-ce que la polygamie est égale à l’adultère ? Voyons de quelle manière la Bible présente la nature du mariage et de l’adultère.

1 Corinthiens 7.2-5 : « Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme et que chaque femme ait son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous privez point l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre manque de maîtrise de soi. »

Pour éviter la tentation d’avoir des rapports sexuels en dehors du mariage, la Bible recommande de se marier. Dans le mariage selon Dieu, chaque homme a sa propre femme et chaque femme a son propre mari. Dans le mariage polygame, la femme partage un mari avec d’autres femmes. Selon Dieu, quand un homme se marie, il n’a plus autorité sur son propre corps. Son corps appartient à sa femme, et il a le devoir de satisfaire aux désirs sexuels de sa femme. Le corps de la femme appartient à son mari, et elle a le devoir de satisfaire à ses besoins sexuels. De cette manière les tentations de chercher la satisfaction ailleurs sont diminuées.

Un homme déjà marié n’a plus le droit de donner son corps à une autre femme. Faire une cérémonie de mariage avec l’autre femme ne change pas le fait que la première a l’autorité sur le corps de cet homme. Il est évident que la sexualité devait s’exprimer dans une relation monogame. En dehors de ce cadre, les rapports ne sont pas approuvés de Dieu.

En Matthieu 19.4,5 le Seigneur dit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit l’homme et la femme et qu’il dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. » En donnant son enseignement sur le mariage Jésus s’est basé sur ce que Dieu avait ordonné au commencement. Il s’agit de l’union permanente de deux personnes, un homme et sa femme. Ces deux deviennent une seule chair. Une troisième personne n’a pas de place dans l’union intime que Dieu a voulue. Il n’y a aucun doute que Dieu a prévu pour l’homme la monogamie. Il n’a créé qu’une femme pour Adam. Bien que les hommes se soient égarés du plan originel, Jésus les rappelle au modèle donné lors de la création.

Romains 7.2,3 dit : « Ainsi, une femme mariée est liée par la loi à son mari tant qu’il est vivant : mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Si donc, du vivant de son mari, elle devient la femme d’un autre homme, elle sera appelée adultère ; mais si le mari meurt, elle est affranchie de la loi, de sorte qu’elle n’est point adultère en devenant la femme d’un autre. » La Bible définit l’adultère très clairement dans ce passage. Une femme déjà liée à un homme dans le mariage commet l’adultère en se joignant à un autre homme. Une femme ayant plusieurs maris est forcément adultère.

Est-ce que la femme seule peut se rendre coupable de l’adultère, ou bien est-ce que Dieu exige que l’homme aussi soit fidèle à son conjoint ? Y a-t-il deux mesures différentes de fidélité : une mesure pour la femme qui a droit à un seul mari, et une autre mesure pour l’homme qui peut se permettre toutes les femmes qu’il désire épouser ? En Marc 10.11,12 Jésus dit : « Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » Évidemment, la même règle s’applique aux hommes comme aux femmes. Il n’y a pas de distinction qui donne aux hommes un droit qui serait refusé aux femmes. Le même acte rendrait coupable d’adultère homme ou femme.

Notez bien que Jésus dit que l’homme qui répudie sa femme et qui en épouse une autre commet un adultère « à son égard », c’est-à-dire à l’égard de sa femme. L’homme commet l’adultère, non seulement quand il séduit la femme d’autrui, mais aussi quand il n’est pas fidèle à sa propre femme. Si celui qui répudie sa première femme avant de prendre une deuxième commet un adultère à l’égard de la première, il est encore plus sûr que celui qui fait venir à la maison la deuxième femme pendant que la première est toujours avec lui commet aussi un adultère et provoque par son infidélité la jalousie de sa femme légitime.

En Matthieu 19.9 Jésus déclare : « Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère. » La seule cause légitime pour laquelle un homme pourrait prendre une autre femme du vivant de sa première femme est donc l’infidélité de celle-ci. Le mot grec utilisé dans ce verset est « porneia » (« fornicatio » dans la version latine) et signifie un acte sexuel, la fornication. Ainsi, la version TOB rend l’expression dans ce verset « sauf en cas d’union illégale ». Il ne s’agit pas d’une infidélité en matière de religion, mais d’une infidélité sexuelle.

Si un homme divorce d’avec sa femme et en épouse une autre, tandis que la première femme n’avait pas commis la fornication, Dieu ne reconnaît pas ce divorce. Ainsi, cet homme est toujours lié à sa femme et se rend infidèle envers elle en prenant la deuxième. Répudier la femme innocente, c’est du péché, mais ce n’est pas l’adultère. L’adultère se commet en prenant la deuxième femme.

Matthieu 5.32 ajoute que « celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d’adultère, l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère ». Cet élément s’accorde avec la manière dont nous avons déjà présenté les liens du mariage. Si un homme divorce d’avec sa femme pour une cause quelconque, c’est-à-dire quand elle n’a pas commis d’adultère, il la prive des rapports sexuels (et de son soutien matériel) et la met dans une situation ou elle sera tentée d’avoir des rapports avec un autre homme ou même de se marier à un autre. Puisque Dieu ne reconnaît pas leur droit de se divorcer, ils sont toujours liés par le mariage. Le fait d’avoir des rapports avec un autre homme après ce divorce non reconnu par Dieu serait un adultère. L’homme qui épouse la femme ainsi divorcée se rend coupable aussi en prenant une femme qui est toujours mariée aux yeux de Dieu.

Quand on est lié à un conjoint par le mariage, on n’a le droit ni au mariage ni aux rapports sexuels avec d’autres personnes. Toute violation de ce principe est un adultère.

Quelques objections à la condamnation de la polygamie

Certaines objections peuvent venir à l’esprit quand il est dit que la polygamie est un péché. Examinons-les pour voir si elles pourraient annuler les principes que nous venons de présenter.

– En voyant que l’on ne trouve ni le terme « polygame » ni l’exemple d’un polygame dans le Nouveau Testament, certains chrétiens ont cru que la Bible se tait sur le sujet et que nous ne pouvons donc pas condamner la polygamie.

Mais est-ce que la Bible est silencieuse au sujet de ce que Dieu accepte dans le mariage ? Loin de là. Elle montre clairement que c’est le mariage monogame que Dieu approuve, et elle définit avec suffisamment de précision ce qui constitue l’adultère. Le mariage à plusieurs femmes ne correspond pas à ce que Dieu ordonne (les deux deviendront une seule chair), mais plutôt à ce qu’il condamne (qui en épouse une autre commet un adultère).

– Certaines personnes soutiennent la polygamie en se référant à des hommes de Dieu dans l’Ancien Testament qui étaient polygames (Abraham, Jacob, David, etc.). Si Dieu leur a permis d’avoir plusieurs femmes et ne les a pas condamnés, se disent-ils, pourquoi dirait-on maintenant que c’est un péché ? C’est une question tout à fait naturelle.

Les pharisiens ont posé une telle question quand Jésus leur disait de ne pas divorcer d’avec leurs femmes (« Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint »). « Pourquoi donc, lui dirent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme une lettre de divorce et de la répudier ? Jésus leur répondit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n’en était pas ainsi. Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre commet un adultère » (Matt. 19.6-9). Dieu avait permis certains éloignements de sa volonté sur le plan du mariage, mais Jésus déclarait que cela ne serait plus le cas. Rappelons-nous que toute autorité lui a été donnée (Matt. 28.18). C’est sous le Nouveau Testament que nous vivons (Héb. 8.6-13).

– Un autre argument offert en faveur de la tolérance de la polygamie est basé sur la culture. On peut remarquer que dans une culture donnée, on ne considère pas qu’un homme marié qui épouse d’autres femmes tout en gardant la première commet un acte d’infidélité. Si en Afrique on ne pense pas que la polygamie soit un adultère, les chrétiens ne doivent pas imposer aux Africains la conception européenne ou américaine du mariage.

Dans chaque société, qu’elle soit africaine, occidentale, ou asiatique, on trouve des valeurs communes et des pratiques répandues qui sont condamnées par Dieu. C’est pourquoi le chrétien, où qu’il se trouve, est appelé à sortir du monde et faire partie d’un peuple séparé (1 Cor. 6.17). Afin d’être le peuple de Dieu, il faut accepter une moralité plus élevée que celle de nos voisins qui sont du monde.

Il y a, en plus de la polygamie, beaucoup de pratiques et de valeurs relatives au mariage qui sont contraires aux enseignements du Christ et de ses apôtres. Par exemple, beaucoup s’attendent à ce qu’un homme fréquente des copines ou même des prostituées si sa femme est en voyage, parce que, se disent-ils, « les hommes sont faits comme ça ». Encore, certaines cultures acceptent difficilement que la stérilité d’une femme n’est pas une cause légitime pour le divorce. Dans la société actuelle, la majorité des jeunes rejettent l’idée qu’il faut attendre le mariage avant d’avoir des rapports sexuels. Toutes ces attitudes sont contraires aux principes bibliques. L’Église doit tenir courageusement aux commandements de Dieu. « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait » (Rom. 12.2).

Ce n’est pas la société occidentale qui nous pousse à croire que la Bible enseigne la monogamie. C’est l’influence de la Bible qui a amené la société occidentale à croire que le mariage doit être monogame. L’Afrique doit bénéficier de la même bonne influence.

La repentance

La polygamie, étant une forme d’adultère, est bien un péché que Dieu jugera, qui exclut le coupable du royaume de Dieu, et qui doit être pardonné pour que l’homme accède au ciel. Le polygame, peut-il recevoir le pardon de Dieu et être sauvé ? Bien sûr. Mais on ne peut pas parler de pardon sans parler de la repentance.

En envoyant ses disciples évangéliser le monde entier, Jésus a bien parlé de la nécessité de croire et d’être baptisé pour être sauvé (Marc 16.15,16), mais il a aussi parlé de la repentance : « Il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem » (Luc 24.46,47). Nous voyons donc l’accent mis sur la repentance dans la prédication des apôtres. Pierre prêcha : « Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés » (Actes 3.19).

Quand on se repent de ses péchés, on cesse de les pratiquer. La repentance est la ferme résolution que l’on prend de changer sa pensée et son comportement. Étant triste devant l’iniquité de ses actes, on se repent (2 Cor. 7.10). Cette repentance produit par la suite des fruits qui en sont dignes, un comportement nouveau (Matt. 3.8). Celui qui vole s’arrête de voler et si possible restitue ce qu’il a pris (Luc 19.7-9). Celui qui adore les idoles s’en débarrasse. Celui qui s’enivre renonce à l’ivresse. Et celui qui commet l’adultère cesse d’avoir des rapports avec d’autres femmes que sa femme légitime, sa première.

En Marc 6.17,18 nous lisons que le roi Hérode fit arrêter Jean-Baptiste « à cause d’Hérodias, femme de Philippe, son frère, parce qu’il l’avait épousée, et que Jean lui disait : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère ». Pour se soumettre à la prédication de Jean, il n’aurait pas suffi pour Hérode de simplement renoncer à épouser d’autres femmes de ses frères à l’avenir. Jean s’attendait à ce qu’Hérode se sépare d’Hérodias. Il n’a pas dit : « Il ne t’était pas permis de la prendre », mais : « Il ne t’est pas permis de l’avoir. »

Est-ce que Dieu exigerait réellement à un homme de répudier des femmes qu’il a épousées et avec qui il a fait des enfants ? Si l’homme n’avait pas le droit de les épouser au départ, oui. C’est ce qui a été exigé au temps d’Esdras. En Esdras chapitre 9 il est dit que des hommes parmi les Juifs revenus en Israël après la captivité babylonienne avaient péché en prenant pour femmes des filles parmi les peuples païens qui les entouraient. Esdras 10.44 ajoute que « plusieurs en avaient eu des enfants ». Or, la loi de Moïse avait formellement interdit de tels mariages. Le chapitre 10 montre ce que ces hommes décidèrent de faire quand ils virent leur faute. Ils dirent : « Faisons maintenant une alliance avec notre Dieu pour le renvoi de toutes ces femmes et de leurs enfants, selon l’avis de mon seigneur et de ceux qui tremblent devant les commandements de notre Dieu. Et que l’on agisse d’après la loi » (Esdras 10.3). Évidemment, comme il a déjà été dit, nous ne vivons plus sous la loi de Moïse. Ce cas n’est pas cité pour que l’on applique cette loi contre le mariage avec d’autres ethnies. Mais le récit nous montre que la repentance d’un mariage interdit par Dieu exige la séparation. De la même manière, on ne peut pas se repentir du péché de la polygamie et continuer de vivre dans la polygamie.

Quelques objections à l’exigence de se séparer de toute sauf la première femme

Certains chrétiens acceptent le fait que la polygamie n’est pas conforme à la volonté de Dieu, mais croient que celui qui a déjà plus d’une femme avant de devenir chrétien doit garder toutes ses femmes après sa conversion. Examinons les arguments qui sont avancés.

– L’apôtre Paul dit en 1 Cor. 7.24 : « Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. » Au verset 27 il dit même : « Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien. » On conclut donc que le polygame ne doit pas rompre les liens avec ses multiples femmes, mais plutôt demeurer dans l’état où il était quand il a été appelé. (On ne souligne pas, pourtant, que la deuxième partie du verset 27 dit : « N’es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme, » ce qui empêcherait au chrétien célibataire de pouvoir se marier.)

Si l’on ne considère pas le contexte de ce chapitre, on risque de mettre la Bible en contradiction avec elle-même. Si le verset 24 n’est pas qualifié par le contexte, il enlève la nécessité de toute repentance. L’homosexuel, le brigand, l’idolâtre, et le rebelle à ses parents auraient tous à demeurer dans leur état de péché. Mais en réalité, Paul parle de conditions qui ne sont pas pécheresses. Les exemples qu’il cite sont l’état circoncis ou incirconcis, l’état esclave ou libre, et l’état marié ou célibataire. On n’a pas besoin de s’inquiéter, car on peut servir Dieu de manière acceptable dans n’importe lequel de ces états. Un état d’adultère n’est pas en vue dans ces versets.

– D’autres attachent beaucoup d’importance au fait que celui qui aspire à la charge d’évêque doit être, selon 1 Timothée 3.2 et Tite 1.6, « mari d’une seule femme ». On définit cette expression comme « non-polygame ». On suppose donc qu’il y avait des hommes polygames dans les Églises et que cela était acceptable tant que ces hommes ne cherchaient pas à devenir évêques.

Au moins deux problèmes enlèvent la force de cette objection. Premièrement, le fait de préciser un péché qui disqualifie un homme de la charge d’évêque ne signifie pas que ce péché était tolérable chez les membres « ordinaires » de l’Église. Au contraire, il y a une correspondance remarquable entre les listes de péchés dans la discussion de la discipline en 1 Corinthiens 5 et celle des qualifications des évêques en 1 Timothée 3 et Tite 1. Paul dit à l’Église en 1 Corinthiens 5.11 de ne pas avoir de relations avec un soi-disant frère qui serait impudique, cupide, outrageux, ivrogne ou ravisseur. On ne devait pas tolérer ces péchés dans l’Église. Et pourtant, Paul se donne la peine de disqualifier ces mêmes personnes du ministère de l’évêque. On doit s’éloigner du frère cupide, et choisir comme évêque un homme « désintéresse » (littéralement, « n’aimant pas l’argent » ; la version TOB dit « ni cupide »). On doit s’éloigner du frère outrageux (insulteur), et choisir comme évêque un homme qui n’est pas « coléreux », mais plutôt « pacifique ». On doit s’éloigner du frère ivrogne, et choisir comme évêque un homme qui n’est pas « adonné au vin » (la version TOB dit « buveur »). On doit s’éloigner du frère ravisseur (voleur, filou) et choisir comme évêque un homme qui n’est pas « porté à un gain déshonnête ». De même, il faut s’éloigner du frère impudique, et choisir comme évêque un homme qui est « mari d’une seule femme ». Paul ne suppose nullement que ces différents péchés seront tolérés parmi les chrétiens. Il insiste seulement sur la pureté morale qui doit caractériser ceux qui sont chargés de surveiller le troupeau de Dieu. Comment pourraient-ils conduire et parfois corriger les autres si eux-mêmes vivaient en violation des lois de Dieu ?

Le deuxième problème dans le raisonnement cité plus haut est la définition de « mari d’une seule femme ». En fait, le terme n’est pas simplement le contraire de polygame. Les mots qui sont utilisés en grec sont très généraux : « un homme » (pas « un mari ») « à une seule femme » (pas « à une seule épouse »). L’expression disqualifie en même temps le polygame, l’adultère, et celui qui répudie sa femme pour autre cause que la fornication et qui en épouse une autre ; l’expression ne se réfère pas exclusivement à la polygamie. En effet, Paul utilise l’inverse exact de cette expression en 1 Timothée 5.9 où il dit qu’une veuve soutenue par l’Église devait avoir été « femme d’un seul mari ». Ce n’est pas que certaines femmes avaient eu plusieurs maris à la fois ; Paul parle simplement de la fidélité envers son conjoint.

L’évangélisation

Pour beaucoup de chrétiens, le vrai problème en ce qui concerne la polygamie, c’est l’évangélisation. Ils trouvent que l’exigence de renoncer à la polygamie est un obstacle insurmontable au salut de ceux qui ont déjà plus d’une femme. On veut annoncer une bonne nouvelle, mais on se voit plutôt comme celui qui vient pour briser un foyer. On veut que ses parents ou ses amis polygames se donnent au Seigneur, mais on est certain qu’ils rejetteront l’Évangile s’ils doivent se séparer de leurs femmes.

Certes, on ne trouve aucun plaisir à informer quelqu’un que son mariage n’est pas acceptable devant Dieu. On a raison de penser qu’il lui serait très difficile de changer de vie. Pourtant, cela ne doit pas nous empêcher d’enseigner, avec de la prière et de l’amour sincère, ce que la Parole de Dieu demande. Nous devons être convaincus que quiconque peut se repentir du péché et devenir enfant de Dieu (1 Tim. 1.15,16). Ce n’est pas à nous de décider qu’une personne n’obéirait pas à la volonté de Dieu, et donc refuser de lui annoncer la bonne nouvelle. De nombreuses personnes que l’on aurait cru trop enfoncées dans le péché pour changer sont aujourd’hui des chrétiens fidèles. Il y a des anciens polygames qui se sont repentis et sont devenus par la suite des prédicateurs de l’Évangile. Ce n’est pas à nous non plus de diluer la Parole pour faciliter la « conversion » (2 Tim. 4.1-5).

Au premier siècle la persécution contre l’Église était très sévère. Ne pas participer aux cultes païens pouvait exclure le chrétien entièrement de la vie économique et sociale. Jésus condamnait pourtant ceux qui encourageaient le compromis parmi les chrétiens (Apoc. 2.19-23). Devenir chrétien quand l’Empire romain avait déclaré la guerre contre l’Église, c’était choisir l’emprisonnement, l’enlèvement des biens, et parfois la mort. Les premiers chrétiens continuaient pourtant de prêcher au nom de Jésus. Ils n’ont pas modifié le message et ils n’ont pas raisonné que leurs auditeurs trouveraient la vie chrétienne trop difficile.

B. B.
(Dans Vol. 11, No. 4)