La liberté chrétienne et la division

Introduction

La division est un fléau parmi les chrétiens qui est souvent le fruit de la fausse doctrine.

« Quelques-uns abandonnent la foi pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons par l’hypocrisie de faux docteurs. » (1 Timothée 4.1,2)

Lorsque cela arrive, la division peut être inévitable :

« Car il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu de vous. » (1 Corinthiens 11.19)

Le Seigneur a reproché les Églises de Pergame et de Thyatire pour avoir toléré dans leur sein des gens qui s’étaient donnés à la fausse doctrine (Apocalypse 2.14,15,20). Les fausses doctrines doivent être identifiées, et il faut « marquer » ceux qui suscitent des divisions en les enseignant (1 Timothée 4.1-6; Romains 16.17,18; Tite 3.10,11; 2 Jean 9-11).

Mais la division et la discorde viennent trop souvent, non pas parce qu’il y a égarement de la vérité biblique, mais parce que les chrétiens manquent de la patience, de l’humilité et de l’amour fraternel. Il y a des aspects de la vie chrétienne où Dieu a laissé à chacun une certaine liberté, où il n’y a pas de modèle éternel auquel chaque chrétien et chaque assemblée doivent se conformer. On peut trouver une diversité de points de vue et de pratiques sans que cela soit un sujet de division. Mais il faut que certaines attitudes soient cultivées parmi nous pour que l’amour et l’harmonie soient préservés.

Un chapitre-clé

En Romains 14 Paul présente les attitudes qui doivent prévaloir parmi les chrétiens quand il y a des différences parmi eux concernant ce qui ne fait pas l’objet d’un commandent du Seigneur. Dans les exemples cités par Paul dans ce chapitre, il s’agit des actions des chrétiens en tant qu’individus et non pas des actions de l’Église collectivement. Bien que les principes qu’il donne puissent avoir des applications en ce qui concerne la manière de faire le culte du dimanche ou la manière de dépenser l’argent dans la caisse de l’assemblée, Paul traite ici des décisions personnelles, comme, par exemple, si l’on va manger un certain aliment.

En fait, puisqu’il s’agit de questions où Dieu nous a laissé de la liberté, ce sont des actions qui ne sont pas en elles-mêmes des péchés. Une personne qui comprend la liberté que Dieu lui a accordée sait qu’elle peut faire certaines choses sans que ce soit un péché. Une autre personne peut pour diverses raisons croire, à tort, qu’elle ne doit pas faire ces choses. Cette dernière personne est identifiée dans ce passage comme celle qui est « faible ». Elle n’a pas encore une foi forte, une ferme conviction qu’elle a le droit de faire les choses en question. Elle peut aussi se croire obligée de faire ce qu’elle est libre de ne pas faire étant en Christ.

Dans les douze premiers versets du chapitre, nous trouvons le principe suivant :

Il ne faut pas se juger les uns les autres en matière d’opinion

Le premier verset a été traduit de plusieurs manières, mais la traduction la plus littérale est celle de Darby : « Or quant à celui qui est faible en foi, recevez-le ; non pas pour la décision de questions [douteuses]. » Le mot « décision » (« disputer » dans la Segond) est employé pour un mot grec qui parle de l’acte de distinguer, discerner, juger, ou prononcer un jugement. « Questions [douteuses] » (« opinions » dans la Segond) traduit un mot qui signifie « raisonnements » et qui est employé pour se référer à la pensée d’un homme qui réfléchit en lui-même sur une décision à prendre. Le mot peut même porter l’idée d’hésitation ou de doute.

Le sens du verset est qu’il faut recevoir comme frère celui qui a des doutes que nous n’avons pas, celui qui n’a pas encore compris le sens de la liberté chrétienne. Les convictions personnelles ne lui permettent pas de faire certaines choses que nous reconnaissons comme permises en Christ, ou bien ses convictions le poussent à se voir sous des obligations qui ne sont pas réelles. Il faut recevoir ce frère sans le condamner parce que sa conscience est trop sensible.

Dans le deuxième verset, Paul identifie le genre de « questions » ou « opinions » qu’il a en vue. « Tel croit pouvoir manger de tout : tel autre, qui est faible, ne mange que des légumes. » Certains ne reconnaissaient pas leur droit de manger de tout et décidaient en eux-mêmes de ne manger que des légumes. Paul ne dit pas pour quelle raison un chrétien aurait pris la décision d’être végétarien. Certains simplifiaient le respect de la distinction entre aliments purs et impurs faite dans la loi de Moïse en ne mangeant pas de la viande du tout (voir Daniel 1.8-12). D’autres encore, pensaient peut-être à la possibilité de manger, sans le savoir, de la viande qui avait été offerte en sacrifice à une idole. En effet, une grande partie de la viande vendue dans les marchés à l’époque avait d’abord été consacrée dans un temple païen. Qu’en est-il de ces idées concernant les aliments ?

Faut-il s’abstenir des aliments déclarés impurs dans l’Ancien Testament ?

Pour la question des aliments purs et impurs selon la loi mosaïque, plusieurs passages démontrent que ces lois ont été abrogées ou annulées quand Jésus est mort sur la croix. (Voir, par exemple, Colossiens 2.14-17 et Hébreux 9.9,10.) Selon l’Épître aux Galates, imposer ces lois aux chrétiens ou en faire une condition du salut serait pervertir l’Évangile et se séparer du Christ.

Peut-on manger de la viande sacrifiée aux idoles ?

Quant à la viande sacrifiée, Paul en parle en 1 Corinthiens 10, où il répond à trois questions des Corinthiens :

  1. Peut-on s’asseoir dans un temple païen et manger de la viande sacrifiée, sachant dans son cœur que l’idole n’est rien et se disant qu’on ne l’adore pas ?
  2. Peut-on acheter au marché de la viande qui a été sacrifiée à un dieu païen ?
  3. Peut-on manger chez un païen, ne sachant pas si la viande qu’il sert a été offerte en sacrifice ?

Pour la première question, Paul explique aux versets 14-22 que participer à un festin en honneur d’une idole, quelle que soit son intention personnelle, est un acte d’adoration qui met la personne en communion avec l’idole. Ce serait manger à la table des démons et provoquer la jalousie du Seigneur. La réponse est non.

Pour la deuxième question, Paul répond aux versets 25 et 26 que l’on pouvait manger de tout ce qui se vendait au marché, mais que l’on ne devait pas poser des questions pour savoir si la viande avait été sacrifiée. En ajoutant : « car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme », il veut dire que la viande n’appartenait pas réellement à l’idole, même si elle lui avait été consacrée. Dieu est le propriétaire de toutes choses, et les actions des hommes ne peuvent rien changer à cette vérité. La viande n’était pas souillée en elle-même.

Pour la troisième question, Paul dit aux versets 27 et 28 que nous pouvons manger ce qu’on nous sert chez un païen, mais que si quelqu’un nous informe que la viande a été sacrifiée, nous ne devons pas en manger.

La conclusion est que le chrétien doit s’abstenir totalement de tout ce qui est identifié comme étant sacrifié à une idole, mais manger d’un sacrifice sans le savoir ne souille pas.

Pour revenir en Romains 14, nous voyons qu’il n’était pas interdit de manger de la viande en général, bien que certains chrétiens ne comprenaient pas encore cette vérité. Par contre, rappelons-nous que Dieu n’a pas ordonné aux hommes de manger certains aliments. C’est un droit mais pas une obligation.

Compte tenu de cette divergence d’idées, qu’est-ce que Dieu nous recommande ?

« Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. » (verset 3)

Il faut éviter ces attitudes très communes quand on n’est pas du même avis qu’un autre.

Paul continue :

« Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ? S’il se tient debout ou s’il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l’affermir. » (verset 4)

Ici Paul reproche le chrétien qui juge son frère, en lui rappelant que c’est la place du Seigneur que de juger ses serviteurs. Selon le contexte, il s’agit, bien sûr, de celui qui condamne un autre serviteur pour avoir violé ce qui n’est pas un commandement du maître. Là où le maître n’a pas donné de règle pour gouverner son serviteur, personne d’autre n’a le droit d’en donner. Aucun chrétien n’a le droit de juger un autre, sauf où le Christ l’autorise et nous donne la règle à appliquer. Il y a des situations où nous avons un devoir de juger (1 Cor. 5.1-5,9-13; 6.1-7; Matthieu 7.15-20), mais il faut toujours aborder de telles situations avec beaucoup d’humilité, de compassion et d’amour. Là où le jugement ne s’impose pas, l’accent doit être mis sur la patience, la tolérance et le respect mutuel.

Faut-il observer des « jours saints » ?

Au verset 5 nous voyons un autre exemple du genre de principes personnels au sujet desquels on ne devait pas se juger les uns les autres : les distinctions entre les jours. Paul ne parle pas ici des jours de réunions de l’Église, comme le dimanche. Ces réunions devaient être respectées (Hébreux 10.25), et à l’égard de ces réunions, le premier jour de la semaine avait une importance particulière (Actes 20.7; 1 Corinthiens 16.1,2) et un nom spécial (Apocalypse 1.10 – comment Jean pouvait-il désigner un jour en particulier comme « le jour du Seigneur » s’il n’y avait absolument pas de distinction entre les jours ?). Paul ne parle pas non plus des soi-disant « fêtes chrétiennes » telles que Pâques, Noël, Ascension, Toussaint, etc. Premièrement, ces fêtes étaient inconnues au premier siècle, et deuxièmement, leur observance engage généralement des Églises entières. Or Paul parle ici de décisions personnelles qui n’engageaient pas les autres membres de l’Église à faire quoi que ce soit. (Si un chrétien choisit de marquer spécialement à son propre niveau un jour pour se rappeler la naissance de Jésus ou son ascension, les autres ne devraient pas, selon ce passage, le juger. Mais instituer une telle observance au niveau de toute l’Église enlève la question des jours du cadre de Romains 14.)

Ce qui est plus probable est que Paul parle du chrétien d’origine juive qui a toujours observé les jours saints indiqués dans la loi de Moïse : les fêtes, les nouvelles lunes et les sabbats (Col. 2.16). Étant devenue chrétienne, cette personne pourrait avoir du mal à accepter qu’elle n’avait plus besoin de respecter ces jours.

Dans les versets qui suivent, Paul nous dit, en effet, de croire à la sincérité de nos frères, même quand nous ne partageons pas leur point de vue sur de telles questions. Chacun cherche à plaire au Seigneur. Celui qui mange de tout n’est pas en train de vivre pour son propre plaisir parce qu’il mange. Il reconnaît le Seigneur comme la source de ce qu’il reçoit. Celui qui s’abstient de viande rend grâces aussi, étant donné qu’il s’en abstient de bon cœur afin de plaire au Christ. Les deux camps reconnaissent la souveraineté du Seigneur en toutes choses.

À partir du verset 13, Paul introduit la deuxième idée principale :

Il ne faut pas pousser votre frère à pécher en violant sa conscience

Ne faites rien qui puisse le faire tomber. Dans la question d’aliments, il est clair que celui qui croit pouvoir manger de tout a raison. Le Seigneur a déclaré purs tous les aliments. « … Rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller, car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre » (Marc 7.18,19). « Tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière » (1 Timothée 4.4,5). Puisqu’il en est ainsi, un aliment n’est plus impur que dans le cas où quelqu’un le considère comme impur.

On peut, cependant, avoir raison sur un point mais ne pas agir avec amour. Dans ce cas, on est condamnable, malgré le fait qu’on a raison en ce qu’on croit. Si je reconnais que l’aliment est pur, il ne peut pas me souiller, mais ce n’est pas pour cela que je peux en manger. Il faut considérer l’effet de mon action sur les autres. Si je mange devant mon frère qui considère l’aliment comme souillé, il sera peiné en me voyant faire ce qu’il considère un péché. Mais ce qui est encore plus grave, c’est qu’il risque de se conformer à mon exemple, malgré ses doutes privés, et en mangeant violer sa conscience. Je dois attacher plus d’importance à mon frère qu’à la nourriture. Mon droit de manger de la viande n’est pas plus important que le salut d’un homme.

À partir du verset 16, le sujet passe du singulier au pluriel. C’est la réputation de toute l’Église qui est en vue maintenant. C’est bien d’avoir la liberté de manger (ou de ne pas manger), mais ce n’est pas là l’essentiel du royaume. Ce qui est vraiment important, c’est la justice, la paix et la joie. Se juger et se mépriser les uns les autres et user de ses « droits » quels que soient les effets sur les autres attirera des calomnies contre la liberté chrétienne.

Quelques applications

Ayant expliqué le chapitre dans son contexte d’origine, comment peut-on l’appliquer de nos jours ? Rappelons-nous que ce chapitre parle des attitudes qui doivent prévaloir parmi les chrétiens quand il y a des différences parmi eux concernant ce qui ne fait pas l’objet d’un commandement du Seigneur. Ces principes ne concernent pas des violations de la volonté de Dieu. Il est important de se rappeler aussi qu’il s’agit des actions des chrétiens en tant qu’individus et non pas des actions de l’Église collectivement.

Paul a déjà appliqué ces principes à la question des aliments, des jours saints et du vin (v. 21). En ce qui concerne le fait de boire du vin (sans s’enivrer, bien sûr, puisque l’ivresse est clairement condamnée comme un péché), il y a le danger d’entraîner une autre personne dans le péché, soit parce qu’elle violerait sa conscience soit parce qu’elle risquerait de ne pas rester sobre.

Une autre application pourrait être dans le domaine de l’habillement. Une femme ne devrait pas s’habiller de façon séduisante (habits qui serrent trop, jupes trop courtes, excès de maquillage, etc.) tout en se disant : « Si les hommes ont des convoitises à mon égard, c’est leur problème ; ils ne devraient pas penser ainsi. J’ai le droit de me vêtir comme je le veux. » Au contraire, « Il est bien […] de s’abstenir de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute, de scandale ou de faiblesse. » (La modestie est, bien sûr un principe que les hommes aussi doivent observer.)

Certains chrétiens jugent les autres au sujet de leurs méthodes d’évangélisation. Il est vrai que certaines méthodes sont plus efficaces que d’autres, mais le Seigneur n’a pas ordonné une seule méthode. Quelle que soit sa méthode, c’est pour le Seigneur qu’on travaille. On ne doit pas nous juger.

D’autres jugent leurs frères sur le fait de regarder la télévision, de jouer aux sports, ou d’écouter de la musique non religieuse. D’un côté, ne critiquons pas si facilement, mais reconnaissons la différence entre nos principes personnels et les commandements du Seigneur ; de l’autre côté, soyons sensibles à l’influence de nos actions sur les autres, et abstenons-nous de ce qui peut nuire à notre frère ou à l’Église.

Conclusion

La division dans une assemblée ne commence pas toujours par la fausse doctrine. Elle commence souvent par le fait de mépriser ceux qui ne partagent pas nos opinions. Elle s’aggrave quand nous tenons à exercer nos « droits » sans considérer l’effet de nos actions sur nos frères. Apprenons à distinguer entre les enseignements bibliques et nos opinions ou principes personnels. Et efforçons-nous toujours « de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix » (Éphésiens 4.3).

B. B.
(Dans Vol. 4, No. 3)