Des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation

En Jean 4, Jésus décida de quitter la Judée, la partie méridionale de la Palestine, pour se rendre dans la région de la Galilée, au nord, là où il avait grandi. En Judée et en Galilée, il y avait de grandes populations juives. (En Galilée il y avait aussi de nombreux non-Juifs.) Entre ces deux régions se trouvait la Samarie, un pays habité d’un peuple dont les ancêtres israélites s’étaient mariés avec des païens. Or comme Jean 4.9 le dit, « les Juifs […] n’ont pas de relations avec les Samaritains ». Au temps de Jésus cette inimitié datait déjà de plusieurs siècles. À cause de cette hostilité, des Juifs qui voulaient se rendre de la Judée en Galilée contournaient la région de Samarie. Il fallait, en passant par la Samarie, trois jours de marche pour faire le voyage, mais on préférait généralement prendre six jours et traverser deux fois le Jourdain pour éviter ce territoire et ce peuple « maudits ».

Jésus fait tomber les murs

En Jean 4.4 l’auteur dit de Jésus : « Il fallait qu’il passât par la Samarie. » Comme nous venons de le voir, ce n’était pas parce qu’il n’y avait pas d’autre route à suivre pour aller en Galilée. Jésus devait passer par là parce qu’il voulait commencer à enlever les barrières entre Juifs et Samaritains. Il voulait que ses disciples comprennent qu’il n’avait pas d’égard pour les préjugés des Juifs contre leurs voisins.

Arrivé près de la ville samaritaine de Sychar, Jésus s’assit au bord d’un puits où il attendait pendant que ses disciples achetaient de la nourriture en ville. Une femme vint chercher de l’eau au puits. Quand Jésus adressa une parole à cette femme pour lui demander de puiser de l’eau pour qu’il boive, elle en fut très surprise. Elle dit : « Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? » Jean explique cette réaction : « Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. » Ils considéraient les membres de cette « race impure » comme étant au même niveau que des chiens ou des hommes possédés de démons. Mais Jésus parla à cette femme. Il lui a parlé de vérités spirituelles, et il accepta même de passer deux jours dans cette ville samaritaine pour enseigner les habitants. Il voyait chaque personne comme un individu, créé à l’image de Dieu, et non comme représentant de telle ou telle nationalité.

Les disciples de Jésus ont été lents à comprendre, mais finalement ils ont adopté l’attitude de leur maître. Tout chrétien ferait bien, non seulement de suivre l’exemple de Jésus, qui avait de l’amour pour tous les hommes de toutes les ethnies, mais aussi de mettre dans son cœur ces vérités enseignées par ses apôtres :

Dieu ne tient pas compte de notre nationalité, ethnie ou langue

En Actes 10, Dieu voulait que l’apôtre Pierre porte l’Évangile pour la première fois à un non-Juif. Bien que Jésus ait ordonné quelques années auparavant de « faire des disciples de toutes les nations (ethnies) » (Matthieu 28.19), l’Église avait jusqu’à ce jour prêché uniquement aux Juifs, aux convertis au judaïsme, et depuis Actes 8 aux Samaritains. Si le fossé qui divisait les Juifs et les Samaritains était profond, celui qui séparait les Juifs et les Gentils (les païens, ou non-Juifs) était encore plus important. Dieu donna donc à Pierre une vision spéciale pour qu’il accepte d’aller chez un non-Juif du nom de Corneille. Dans la vision Pierre vit des animaux qui avaient été déclarés impurs pour les Juifs. Une voix lui dit : « Lève-toi, Pierre, tue et mange. » Comme Pierre ne voulait pas, la voix insista : « Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé » (Actes 10.13-15).

Quand Pierre arriva chez Corneille, il avait compris le sens de la vision. Il dit à ceux qui s’y étaient réunis : « Vous savez qu’il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d’entrer chez lui ; mais Dieu m’a appris à ne regarder aucun homme comme souillé ou impur. C’est pourquoi je n’ai pas eu d’objection à venir, puisque vous m’avez appelé » (Actes 10.28,29).

Signalons en passant que rien dans la loi de Moïse n’interdisait aux Juifs d’entrer chez un non-Juif. Il est vrai qu’ils ne devaient pas se marier avec des païens, et leurs lois alimentaires rendaient plus difficile de partager des repas avec ceux qui n’observaient pas ces lois ; mais Pierre se réfère sans doute aux traditions des anciens et non pas à la loi donnée par Dieu. Ce qu’il dit souligne, néanmoins, la grande séparation entre Juifs et non-Juifs. Pierre comprenait maintenant qu’elle avait été enlevée en Christ : « En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu’en toute nation celui le craint et qui pratique la justice lui est agréable » (Actes 10.34,35).

Jésus a donné sa vie pour ceux de toutes les nations. En Apocalypse 5.9,10 les anges chantent ses louanges justement pour cette raison : « Ils chantaient un cantique nouveau, en disant : Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation. Tu as fait d’eux un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre. »

Il n’y a ni nationalité ni ethnie dans l’Église

La distinction entre Juif et Gentil avait été très importante sous l’ancienne alliance. En Éphésiens 2.12 Paul rappela aux Gentils (les non-circoncis) qu’ils n’avaient joui d’aucun des privilèges du peuple de Dieu : « Souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. » Mais il poursuivit en expliquant que depuis la mort de Christ cette distinction n’était plus. Tous les deux avaient été sous la condamnation à cause de leurs péchés (Romains 3.9,10,19,23) ; maintenant tous les deux avaient la possibilité de réconciliation avec Dieu dans un seul corps. « Car il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimitié, ayant anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions, afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié. Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près ; car par lui nous avons les uns et les autres accès auprès du Père, dans un même Esprit » (Éphésiens 2.14-18).

Jésus n’est pas mort pour qu’il existe deux Églises distinctes, une composée de Juifs et l’autre composée de non-Juifs. Il a voulu que tous les sauvés soient réunis en un seul corps. Cette unité faisait partie du plan de Dieu depuis l’éternité (Éphésiens 1.10). Il est évident que le Seigneur n’a pas voulu non plus une Église à part pour les noirs ou les Asiatiques. Il n’a pas prévu une Église pour certaines ethnies et une autre Église pour les ethnies avec lesquelles celles-là ne s’entendaient pas avant de connaître le Christ. Dieu a voulu que le salut soit offert à tous de la même manière et dans le même corps spirituel.

Il n’est pas seulement question de la manière de Dieu de nous considérer. Le Seigneur veut que l’unité soit une réalité que nous vivons. En Romains 15.7 Paul dit aux chrétiens juifs et païens : « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. » On ne doit pas se dire que Dieu ne tient pas compte de notre couleur ou notre nationalité, mais que parmi nous les hommes dans l’Église ces distinctions peuvent garder leur importance. Une partie de ce qui fait la beauté du plan de Dieu, c’est qu’il prend des hommes qui étaient divisés et hostiles les uns aux autres pour les réunir dans un seul corps de croyants unis dans l’amour fraternel.

Ayant compris que Dieu nous aime tous de la même manière, quelle que soit notre couleur ou notre langue, et ayant compris que les distinctions politiques, raciales et ethniques n’ont pas de place au sein de son Église, qui est le royaume du Christ, nous devons comprendre un troisième principe :

La vraie patrie des chrétiens, c’est le ciel

Nous sommes nés citoyens d’un pays et parfois membres d’une ethnie particulière. Nous avons naturellement un attachement émotionnel au pays de notre naissance ou de nos parents, et nous avons des liens importants avec ceux qui partagent notre langue et notre culture. Nous sommes fiers quand notre pays se montre excellent sur un plan quelconque ; nous avons honte quand notre pays ou ses dirigeants agissent de manière indigne. Nous nous soucions de l’avenir de nos pays, car nous supposons que nos enfants seront bénis ou pénalisés selon le sort de leur pays de résidence. Mais en tant que chrétiens, la citoyenneté qui compte le plus pour nous, c’est notre appartenance au royaume de Dieu. Ayant parlé de ceux qui « ne pensent qu’aux choses de la terre », Paul rappelle que « notre cité à nous est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Philippiens 3.19,20). C’est ainsi que la Bible appelle souvent les chrétiens des « étrangers » et insiste sur le caractère passager de leur « séjour » sur la terre. Pierre adresse sa première épître « à ceux qui sont étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie » (1 Pierre 1.1). Les destinataires de cette lettre étaient, pour la plupart, des indigènes, et du point de vue légal ils étaient citoyens des provinces mentionnés. Néanmoins, Pierre leur dit de se voir comme étrangers. Plus loin dans la même épître, Pierre insiste encore sur cette réalité : « Bien aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises qui font la guerre à l’âme » (1 Pierre 2.11). En 1 Pierre 1.17, il leur dit : « Conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre pèlerinage ». L’idée que la vie chrétienne ressemble à un pèlerinage revient dans l’épître aux Hébreux, où l’auteur nous réfère à l’exemple d’Abraham et des autres patriarches qui « reconnaissaient qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre ». Ils enseignent que, comme eux, nous devons chercher « une patrie céleste », et que Dieu nous a, en fait, préparé une telle cité (Hébreux 11.13-16).

Ce principe s’applique de plusieurs manières dans la vie du chrétien. Il signifie que nous ne devons pas nous laisser détourner de notre mission et notre objectif céleste par la poursuite de richesses terrestres. Il signifie que nous devons nous garder des comportements pécheurs qui nous empêcheraient dans notre marche vers le ciel. Il signifie que nous ne devons pas nous conformer aux coutumes de ce monde auquel nous n’appartenons pas ; nous sommes étrangers ici-bas et devons nous attendre à être différents de nos voisins. Mais il signifie aussi que nous devrions nous considérer avant tout comme chrétiens plutôt que comme français, ivoiriens, congolais, haïtiens, burkinabés, camerounais, etc. (De même, nous sommes chrétiens d’abord, et ensuite membres de telle ou telle ethnie.) Nos émotions les plus fortes, nos plus grands sacrifices et notre loyauté la plus profonde se rapportent tous au royaume glorieux et céleste dont nous sommes, par la grâce de Dieu, citoyens. Il est bien de nous entendre, le plus possible, avec nos compatriotes, mais nous devrions toujours avoir un plus grand amour pour nos frères et sœurs en Christ, quelle que soit leur race, leur ethnie ou leur nationalité, que pour des non-croyants qui sont, par hasard, du même pays ou de la même ethnie que nous.

Cette attitude « sans frontières » a bien pris racine dans l’Église primitive. Vers l’an 200 apr. J.-C. un auteur inconnu écrivit ceci au sujet des chrétiens, dans une lettre à un certain Diognète : « Bien qu’ils habitent des cités grecques ou barbares, selon le cas de chacun, et qu’ils suivent les coutumes du pays en ce qui concerne l’habillement et la nourriture et d’autres affaires de la vie quotidienne, en même temps ils manifestent la nature remarquable et extraordinaire de leur propre cité. Ils habitent leurs propres pays, mais uniquement comme étrangers… Chaque pays étranger est leur patrie, et pourtant pour eux, chaque patrie est un pays étranger… Ils aiment tous les hommes. »

Applications pratiques

Chacun doit donc s’examiner pour voir s’il n’a pas besoin de changer sa façon de penser, de parler ou d’agir. Si nous avons encore des attitudes racistes ou tribalistes, nous devons les bannir. On ne devrait jamais rencontrer dans le langage d’un chrétien des expressions qui montrent du mépris pour une personne à cause de son ethnie ou son pays d’origine. Un étranger qui entre dans une de nos assemblées ne devrait jamais sentir qu’il n’est pas bienvenu à cause de sa race ou sa langue. Pour la compréhension de l’enseignement et l’expression facile de louange à Dieu, il n’est pas mal de faire des cultes ou des classes à part pour ceux qui parlent une langue particulière. Néanmoins, il faut consciemment cultiver et conserver la vraie communion fraternelle qui ne connaît pas de frontières linguistiques.

Quand ceux du monde s’opposent à un mariage parce que le couple n’est pas de la même ethnie, ceux qui sont dans l’Église devraient plutôt attacher de l’importance au fait de partager la même foi en Christ, d’avoir la même compréhension de sa volonté.

Quand ceux du monde s’enflamment contre telles ethnie ou nationalité, que ce soit des gens qui habitent dans le même pays ou des habitants des pays différents qui sont en guerre, les chrétiens devraient éviter de se jeter dans le conflit d’un côté ou de l’autre. Ils devraient se garder de classer tous les citoyens d’un pays ou tous les membres d’une race comme ayant les mêmes défauts. Le chrétien doit continuer de faire comme Jésus, en voyant chaque personne comme un individu et en aimant chaque personne sans tenir compte de son pays d’origine. Il n’y a pour Jésus que deux catégories de personnes : les sauvés et les perdus, ceux qui sont soumis à Dieu et ceux qui sont encore sous le pouvoir de Satan.

Au lieu de nous acharner pour le contrôle de tel ou tel territoire destiné à la destruction lorsque Jésus reviendra, au lieu de militer pour des pouvoirs politiques ou des avantages mondains, nous devons penser plus à la récompense qui nous attend au ciel et aux moyens de sauver « des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation ».

Conclusion

Dans un monde où nous voyons partout la guerre et les massacres, les injustices, la souffrance et d’autres maux qui résultent du racisme et du tribalisme, faisons en sorte que l’Église de Jésus-Christ soit un asile, un lieu de paix entre les hommes de différentes origines, une colonie du ciel où l’amour prend la place de la haine, et la règle d’or (Matthieu 7.12) est réellement mise en pratique.

Quelle que soit la couleur de ta peau ou la langue que tu parles, quel que soit le pays qui a émis ta carte d’identité, tu as une grande valeur aux yeux de Dieu. Quand tu es baptisé en Christ, tu deviens mon frère ou ma sœur. Nous avons désormais la même patrie : le ciel. Et nous voyons nos prochains de la même manière : soit comme des gens sauvés par le sang de Jésus, soit comme des gens encore perdus, mais que le Seigneur veut sauver.

B. B.
(Dans Vol. 7, No. 1)