La guérison divine

Je vais vous donner quelques extraits d’une lettre d’une femme qui est vivement intéressée par tout ce qui concerne la foi. Depuis dix ans, elle est la proie d’une maladie très douloureuse. Pendant plusieurs années elle a assisté à des réunions dites de « Réveil Pentecôtiste » où l’on impose les mains pour guérir les malades. Au début de sa maladie, on lui imposa les mains à plusieurs reprises, mais sans résultat. Depuis une année elle est en pension chez une dame qui fait partie d’un autre mouvement dont le pasteur est également venu lui imposer les mains avec onction d’huile. Là encore, aucune amélioration de son état.

« Alors » écrit-elle, « cela me fait tellement de peine de m’entendre dire que je ne marche pas avec le Seigneur et que c’est un manque de foi… J’avoue cher monsieur que je me trouble avec tout cela et que les arguments humains me font plus de mal que de bien, car ils ruinent mon âme. Si Dieu n’a pas voulu me guérir à cause de toutes mes désobéissances, malgré les dizaines de fois que j’ai demandé “pardon” et me suis repentie, cela me décourage en pensant à cette foi que je n’ai pas ; et je ne sais comment l’obtenir. »

Dans un autre passage de sa lettre, elle nous dit avoir vu à maintes reprises un pasteur imposer les mains à un jeune garçon aveugle de naissance, en lui disant : au nom de Jésus je te déclare guéri ! Le garçon est toujours aveugle. La lettre tout entière exprime un sentiment d’incompréhension, de révolte parfois, et surtout un grand déchirement de l’âme qui se sent abandonnée, coupable et méprisée par Dieu. Malgré les prières répétées, malgré les supplications et les larmes, Dieu ne consent pas à guérir. Que penser de cela ?

Mes amis, après avoir lu cette lettre, j’ai eu le sentiment à la fois navré et amer que l’on éprouve devant un gâchis. Car voici une personne, parmi tant d’autres, dont la foi en Dieu est indéniable, que l’on a induite en erreur et qui est peut-être sur le point de désespérer de Dieu. Il est même étonnant qu’après ces longues années elle n’ait pas perdu la foi comme c’est, hélas, souvent le cas dans des situations semblables.

Votre foi n’est pas en cause

À cette personne, à vous Madame, et à tous ceux qui se trouvent dans la même perplexité, je veux dire tout d’abord que votre foi n’est pas en cause. Qui vous a donné la conviction que la maladie qui s’attache à vous est le signe d’une carence de votre foi ? !

Si l’on examine les différentes guérisons opérées par le Christ et par ses apôtres, on s’aperçoit que la foi du malade n’était pas toujours sollicitée. Le chapitre 3 du livre des Actes nous en donne un exemple clair et typique. Il s’agit d’un homme boiteux de naissance que l’on plaçait tous les jours à la porte du temple juif à Jérusalem. Il vivait des aumônes du peuple. Pierre et Jean s’approchent et s’arrêtent devant lui.

« Regarde-nous », lui disent-ils. « Et il les regardait attentivement s’attendant à recevoir d’eux quelque chose. » (L’idée d’une guérison ne lui avait même pas effleuré l’esprit.) « Alors Pierre lui dit : Je n’ai ni argent ni or, mais ce que j’ai je te le donne : au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche. Et, le prenant par la main droite, il le fit lever. Au même instant il fut debout, et il se mit à marcher. Il entra avec eux dans le temple, marchant, sautant et louant Dieu. » (Actes 3.4-8)

Nous constatons que si la foi a joué un rôle dans cette guérison complète, c’était la foi des apôtres et non celle de l’homme guéri. Il en est de même de la plupart des miracles opérés par Jésus, comme par exemple la guérison de l’aveugle de naissance (Jean 9) ou de Malchus dont l’oreille droite avait été emportée (Luc 22.49-51), et que dire des morts qu’il a ressuscités ?

Il arriva même que Jésus guérit à distance, comme il le fit pour le centenier romain dont le serviteur était gravement malade (Matthieu 8.5-13). Ce dernier ne se rendit compte de rien. Il sut seulement qu’il était guéri.

Ceux qui aujourd’hui prétendent détenir des pouvoirs divins miraculeux, ne pourraient-ils, ne devraient-ils pas agir de la même manière en guérissant à distance un malade pour lequel d’autres chrétiens prient instamment, même si ce malade n’a pas nécessairement la foi ? Ces guérisseurs ne devraient-ils pas être aussi généreux que Pierre et être capables de dire comme lui : « Ce que j’ai, je te le donne ! » ?

Mais ces choses ne se passent jamais ainsi. On trouve plus prudent de faire courir le risque au malade. S’il n’est pas guéri, c’est que sa foi est faible. On ne met jamais en doute la qualité de celui qui impose les mains et qui crie : sois guéri au nom de Jésus-Christ !

(Je ne veux pas ici mettre systématiquement en doute la sincérité de tous ces guérisseurs. Beaucoup croient de tout leur cœur. C’est indéniable. Mais il n’empêche qu’ils soient sincèrement dans l’erreur.)

Deux choses qu’il faut constater

Lorsqu’on examine de près ces « miracles modernes », on constate deux choses :

1- Tout d’abord ils ne sont pas plus étonnants que les résultats enregistrés par la psychiatrie et le traitement médical par hypnose, tant il est vrai que la majorité des troubles organiques ont leur origine dans l’esprit. Ainsi, il est notoire que les sentiments négatifs, tels la haine et la jalousie, les soucis, la peur, les contrariétés, les frustrations continuelles, sont cause de nombreuses maladies, depuis les ulcères stomacaux et intestinaux, jusqu’à certaines formes de tuberculose en passant par les maladies de cœur et diverses paralysies.

2- Lorsqu’on les examine à la lumière des miracles rapportés dans la Bible, il leur manque ce cachet d’authenticité, ce caractère net et sans bavures que même les ennemis du Christ ne pouvaient contester. La chose se passait « aussitôt » « au même instant ». Et la guérison était totale. En outre, les miracles étaient non seulement d’une grande variété, mais, ce qui est important, ils ne se produisaient pas dans l’atmosphère enfiévrée d’une foule conditionnée qui sert de cadre à la plupart des séances de « guérisons miraculeuses modernes ». Je pense aux aveugles que Jésus guérit, aux lépreux, aux paralytiques et aux estropiés ; à l’évangéliste Philippe que l’Esprit transporta instantanément d’un lieu à un autre (Actes 8.39,40).

Je pense à la guérison des apoplectiques, à la multiplication des pains. Je pense aussi à la résurrection de plusieurs morts par Jésus et par les apôtres. L’un des morts était dans le tombeau depuis quatre jours (Marc 5.41,42; Luc 7.21; Jean 11.43; Actes 9.40; 20.9).

Ces quelques exemples suffisent à nous montrer que les soi-disant miracles modernes n’ont rien de commun avec les miracles opérés par les véritables messagers de Dieu. Si l’on prétend aujourd’hui pouvoir guérir une maladie de cœur ou un ulcère au nom de Christ, on peut, par ce même pouvoir, ressusciter des morts. Tout le monde pouvait constater que la puissance que Jésus et ses apôtres déclaraient détenir de Dieu était réelle. Ils en faisaient la démonstration. Mais aujourd’hui on le constate, il ne se passe rien de semblable, rien en tout cas qui soit au-dessus de tout soupçon ; rien qui soit aussi irréfutable et objectivement public que les prodiges opérés par le Christ et ses apôtres.

Le but des miracles

Quel était le but de ces manifestations miraculeuses au premier siècle ? Le Nouveau Testament nous apprend que leur but essentiel était de confirmer le message de l’Évangile. Il fallait que le monde sache que les messagers de l’Évangile étaient vraiment des envoyés de Dieu et que leur message était par conséquent d’origine divine. La révélation était dans sa phase première. Elle se fit d’abord d’une manière orale par la bouche des apôtres, Dieu étant avec eux confirmant leur message. Nous l’avons à présent sous la forme d’un document écrit qui s’appelle à juste titre « la Parole de Dieu » et qui suffit à produire la foi. « Ces choses sont écrites afin que vous croyiez… » dit l’apôtre Jean (Jean 20.30,31).

Cette période vit également la naissance de l’Église. Elle fut établie et « lancée » en quelque sorte avec l’aide miraculeuse de Dieu (Actes 2). C’est ainsi que le monde fut créé par une série de miracles. C’est la loi naturelle qui assura par la suite sa continuité. Il en est de même de l’Église. Elle fut inaugurée par un miracle (Actes chapitre 2). Elle continue d’exister et de se reproduire non avec l’aide des miracles, mais avec la Parole de Dieu qui est sa semence.

L’Épître aux Hébreux évoque cette phase primaire de la révélation par ces mots :

« Comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut, qui, annoncé d’abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu, » (Comment ce message fut-il confirmé ?) « Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges et divers miracles, et par les dons du Saint-Esprit distribués selon sa volonté. » (Hébreux 2.3,4)

À l’époque où fut rédigée la lettre « aux Hébreux » ces manifestations miraculeuses n’avaient donc plus cours. Elle fait en effet allusion aux choses qui se passaient au commencement, au temps où Dieu appuyait le message des témoins du Seigneur par sa puissance miraculeuse. Notre rôle est à présent de croire à leur témoignage. C’est le fondement même de la foi : la foi de celui qui croit sans avoir vu (2 Corinthiens 5.7; Romains 10.17; Jean 20.28,29).

Dieu guérit toujours

Ceci signifie-t-il que Dieu ne guérit plus aujourd’hui, qu’il est vain d’attendre de lui ce qu’il accordait autrefois à tant de malheureux ? Mes amis, loin de nous cette pensée. Il ne faut pas limiter la puissance de Dieu. Si sa manière d’intervenir dans les affaires des hommes varie, comme nous le montre l’histoire biblique, il est toujours présent. Il est toujours amour. Il désire toujours que nous soyons sauvés.

Par la prière Dieu peut toujours guérir. Il ne faut pas perdre confiance dans la prière… Je me suis élevé ici contre ceux qui font de la publicité pour leurs séances d’imposition de mains, lesquelles font plus de mal que de bien en donnant de fausses espérances.

Que ta volonté soit faite

Il y a un autre point sur lequel je dois insister, c’est que la prière n’est pas un moyen infaillible d’obtenir la guérison, même si elle est dite avec foi et maintes fois répétée. Ce n’est pas une manière de forcer la main de Dieu. Elle est avant tout, dans ce cas, une pétition soumise à sa volonté. « Que ta volonté soit faite » avait dit Jésus, « et non la mienne. » Telle doit être également notre attitude dans la prière.

Même au temps des apôtres, certains malades ne furent pas secourus d’une manière miraculeuse. Paul dit par exemple qu’il a « laissé Trophime malade à Milet » (2 Timothée 4.20). Épaphrodite, un autre compagnon de voyage de l’apôtre Paul tomba également malade. Il était près de la mort. « Mais Dieu a eu pitié de lui » écrit l’apôtre, « et non seulement de lui, mais aussi de moi, afin que je n’eusse pas tristesse sur tristesse » (Philippiens 2.25-27).

L’élément miraculeux n’est pas intervenu dans ces cas-là, parmi d’autres sans doute. La guérison a eu lieu quand même, mais selon le cours normal des choses. Nous pourrions également évoquer la maladie de l’apôtre Paul que Dieu ne guérit pas malgré d’instantes prières. Il lui fallut continuer de vivre avec « son écharde dans la chair » (2 Corinthiens 12.7).

C’est Dieu qui guérit

Dans la maladie, nous devons nous en remettre à Dieu avec la confiance qu’il peut guérir s’il le veut. Nous pourrions ici citer de nombreux cas où Dieu a guéri ce que les hommes avaient jugé inguérissable. Le médecin chrétien lui-même sait bien qu’il ne peut que panser les plaies. C’est Dieu qui guérit.

Mes amis, la vieillesse vient souvent accompagnée de maux de toutes sortes. Elle est elle-même une maladie. Notre correspondante écrit à cet égard : « Ce n’est pas avec des impositions de mains et onctions d’huile que des ministres du 20e siècle vont rajeunir mon squelette. » C’est vrai. Il faut que la vie suive son cours jusqu’au terme. Mais ce qui compte avant tout, ce n’est pas tellement la guérison du corps, mais celle de l’homme intérieur, c’est-à-dire l’âme. Par la foi en Christ, le repentir et le baptême en son nom pour la rémission des péchés (Actes 2.38), Dieu opère en nous un changement, une transformation. « Si quelqu’un est en Christ », s’exclame l’apôtre Paul, « il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées. Voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2 Corinthiens 5.17).

Voilà le bien suprême à rechercher ; même si comme Paul nous devons vivre avec un corps diminué par la souffrance, ce qui compte, c’est la nouvelle nature que Dieu peut créer en nous (Galates 6.15). Il faut alors faire nôtres ces paroles que Dieu adressa à l’apôtre au sein de sa souffrance : « Ma grâce te suffit » (2 Corinthiens 12.9).

Richard ANDREJEWSKI
(Dans Vol. 5, No. 4)