Le péché originel

Conséquences du premier péché

Quel est l’état spirituel de l’enfant qui vient de naître ? Porte-t-il des effets de ce qu’on a l’habitude d’appeler « le péché originel » (le péché commis par Adam et Ève dans le jardin d’Éden) ? De fausses réponses à cette question influencent les pratiques et les doctrines de beaucoup d’Églises, qu’elles soient catholiques, protestantes, orthodoxes, ou autres.

Le baptême des enfants

Beaucoup ont enseigné que l’enfant vient dans le monde déjà souillé, ayant hérité ce « péché originel » de ses parents, qui à leur tour l’avaient hérité de leurs parents. La culpabilité et la condamnation seraient ainsi transmises à tout être humain depuis ce premier couple que Dieu a créé jusqu’à nos jours. L’idée du « péché originel » est à l’origine de la pratique du baptême des nouveau-nés. Puisque l’enfant serait dès sa naissance un pécheur, spirituellement mort, il aurait besoin du baptême, même s’il n’était pas capable de le demander. Un prêtre catholique au Cameroun a justifié ainsi cette pratique :

« L’enfant n’a pas choisi le péché originel, et le diable ne lui a pas demandé son avis avant de le lui donner. Il n’a pas dit : « Je te donnerai le péché originel quand tu seras capable de choisir… » Dieu, de la même manière, peut donner sa grâce à un enfant sans son consentement. Certains parents disent à leur enfant qu’il aura la vie divine quand il sera grand, que c’est lui qui va choisir. N’est-ce pas ces mêmes parents qui ont décidé de lui donner la vie humaine sans son consentement ? Pourquoi faut-il le consentement pour la vie divine, infiniment plus importante que la vie humaine ? »

(La faute de raisonnement dans cette citation est qu’en traitant le baptême des enfants, l’auteur suppose que la question du péché originel est déjà réglée ; il traite comme une vérité évidente l’idée que le diable puisse « donner » le péché à un bébé. Mais le principe que le péché souille dès la naissance doit être vérifié à la lumière de la Bible avant d’être admis.)

L’immaculée conception

La doctrine du péché originel posait un problème logique aux théologiens : si nous naissons tous souillés par le péché de nos premiers parents, Jésus-Christ n’aurait pas pu être le sacrifice « sans défaut » pour nous sauver. Sous la loi de Moïse, le sang offert en sacrifice devait être celui d’une bête en bonne santé, sans défaut (Lévitique 22.18-20; Nombres 6.14; Deutéronome 15.21; etc.). Jésus s’est offert et nous a rachetés par son sang, « le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache » (1 Pierre 1.19). Le défaut qui aurait disqualifié Jésus, c’est le péché ; mais il n’en avait pas. « Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n’y a point en lui de péché » (1 Jean 3.5). « Lui qui n’a point commis de péché […] a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois » (1 Pierre 2.22-24; voir aussi 2 Corinthiens 5.21). Il fallait que Jésus soit sans péché afin de pouvoir porter les nôtres. Mais si le péché est hérité, s’il se transmet d’une génération à l’autre par la simple naissance, Jésus lui-même en aurait été souillé par sa mère, Marie. Même si Marie n’avait pas personnellement commis du péché (ce que la Bible n’affirme nulle part), elle aurait été, selon cette doctrine, contaminée par le péché originel depuis sa naissance et transmettrait cette même souillure à ses enfants, y compris Jésus. C’est ainsi qu’on a inventé une doctrine dont la Parole de Dieu ne dit absolument rien : l’immaculée conception. Beaucoup pensent que cette expression se réfère au miracle par lequel Marie, étant vierge, devint enceinte sans avoir des rapports sexuels. En fait, ce dogme catholique se rapporte à la conception de Marie elle-même dans le ventre de sa mère. Marie aurait été conçue de telle sorte qu’elle ne soit pas souillée par le péché originel. Marie, et plus tard Jésus, auraient ainsi été les seules personnes à naître dans le monde dans un état de pureté. Encore, aucun verset de la Bible ne traite ni de la conception ni de la naissance de Marie.

Que penser donc du péché originel ? Est-ce que le péché héréditaire existe et justifie donc le baptême des nouveau-nés et la doctrine de l’immaculée conception ?

Chacun rendra compte pour lui-même

Un premier problème en ce qui concerne l’idée répandue du péché originel hérité, c’est qu’elle est en conflit avec un principe enseigné tout au long de la Parole de Dieu : la responsabilité individuelle. Il est vrai que mes actions peuvent avoir des effets négatifs dans la vie d’autres personnes, mais ces personnes ne sont pas jugées ou condamnées pour mes péchés.

En Ézéchiel 18, le prophète répond au peuple qui, puni par Dieu, essayait de rejeter la faute sur leurs ancêtres.

« Pourquoi dites-vous ce proverbe dans le pays d’Israël : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées ? Je suis vivant ! dit le Seigneur, l’Éternel, vous n’aurez plus lieu de dire ce proverbe en Israël. Voici, toutes les âmes sont à moi ; l’âme du fils comme l’âme du père, l’une et l’autre sont à moi ; l’âme qui pèche, c’est celle qui mourra […] Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. » (Ézéchiel 18.2-4,20)

Dieu avait enseigné ce même principe de justice dans la loi de Moïse : « On ne fera point mourir les pères pour les enfants, et l’on ne fera point mourir les enfants pour les pères ; on fera mourir chacun pour son péché » (Deutéronome 24.16).

Ce principe fondamental de la justice ne s’applique pas seulement dans la vie sur terre ; Dieu nous dit clairement et à maintes reprises qu’il agira selon le même principe d’équité au dernier jugement.

Romains 14.12 dit simplement : « Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même » (et non, évidemment, pour Adam et Ève).

Deux Corinthiens 5.10 énonce le même principe : « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. » (Remarquez que tout en enseignant que nous serons jugés selon nos actions au lieu des décisions de nos parents ou de nos enfants, ce verset précise que le jugement de chacun concerne ce qui s’est fait quand il était « dans son corps », donc avant sa mort. La prière pour les morts est donc inutile pour deux raisons.)

Jésus, pour sa part, affirme cette même vérité en Matthieu 16.27 : « Car le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses saints anges ; et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. »

Citons enfin ces versets qui expriment la même idée en termes de semailles et de moisson :

« Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l’Esprit moissonnera de l’Esprit la vie éternelle. » (Galates 6.7,8)

En parlant du dernier jugement, la Bible ne dit nulle part que Dieu condamnera un enfant pour le péché d’Adam. Selon les versets que nous venons de voir, la seule personne qui rendra compte pour le péché d’Adam, c’est Adam lui-même.

Son sang nous purifie de tout péché

Avant de laisser l’idée que le péché pourrait se transmettre lors de la conception et la naissance d’un enfant, réfléchissons à ceci : la Bible dit en Éphésiens 1.7 qu’en Christ « nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce. » L’apôtre Jean dit à ses frères en Christ : « Si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes mutuellement en communion, et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché » (1 Jean 1.7). Une femme qui est en Christ et qui « marche dans la lumière » serait en communion avec Dieu et avec son Église et purifiée de tout péché. Même si l’on pouvait hériter le péché, comment une femme ainsi purifiée pourrait-elle transmettre une souillure quelconque à son enfant ?

D’où vient l’idée du péché originel ?

Pour ne pas être injustes, reconnaissons qu’il y a un texte biblique qui, à premier abord, semble soutenir la conception du péché originel que nous mettons en doute. Il s’agit de Romains 5.12-21, et notamment les versets 12 et 19 :

« C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché, […] Car, comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul beaucoup seront rendus justes. »

Notons premièrement certains éléments-clés qui ne paraissent pas du tout dans ce texte : il ne mentionne ni les enfants, ni la conception, ni la naissance, ni la transmission du péché de la mère à l’enfant.

Rappelons-nous ensuite le contexte de ces versets dans le cadre de l’Épître aux Romains, dans laquelle Paul répond à la question : Comment l’homme peut-il être juste devant Dieu ? L’apôtre met l’accent sur ce que Dieu fait pour nous sauver et sur l’impossibilité pour l’homme de se sauver lui-même par ses propres efforts sans l’intervention de Dieu. Paul consacre la plus grande partie des trois premiers chapitres à prouver que tous les hommes étaient sous la condamnation de Dieu, des objets de sa colère légitime, à cause de leurs péchés : idolâtrie, perversions sexuelles, orgueil, amour de l’argent, ruse, ingratitude, rébellion envers leurs parents, manque de miséricorde, hypocrisie, etc. Il démontre que les Juifs aussi bien que les païens commettaient ces péchés et conclut que « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rom. 3.23). (On se demande pourquoi Paul se donne la peine de prouver que tous les hommes font du mal et omettent souvent de faire le bien qu’ils devraient faire s’il les considère pécheurs par le simple fait de naître dans le monde, souillés dès le départ par l’acte de leurs premiers ancêtres.)

Paul passe ensuite à une explication et défense de l’Évangile, qu’il a déjà appelé au 1.16 « la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit ». Cet Évangile nous apprend que par la mort de Christ sur la croix, Dieu a payé notre dette, puni notre péché et ainsi satisfait aux demandes de la justice divine. Pour en bénéficier, le pécheur doit manifester une foi obéissante. Il est incapable d’offrir à Dieu une vie parfaite qui mérite le bonheur éternel ; il doit humblement accepter, par la foi en Christ, le don que Dieu lui offre. Comme Abraham démontrait sa foi en obéissant à l’ordre de quitter sa patrie et plus tard à l’ordre d’offrir en sacrifice son fils, Isaac, le pécheur démontre sa foi par ses actions. Dieu sauve les hommes, non pas sur la base de la circoncision ou l’observance de la loi de Moïse, mais sur la base de la foi en Christ. Au chapitre 5 Paul explique les effets merveilleux de la justification que nous avons à cause de Christ, tels que la paix avec Dieu, l’espérance de la gloire, la consolation dans les afflictions, la certitude de l’amour de Dieu, et la joie. Puis il nous assure que la justification en Christ est plus que suffisante pour annuler les effets du péché d’Adam.

Quels sont les effets du péché d’Adam ? Dieu avait dit à Adam, concernant l’arbre dont le fruit était défendu : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Genèse 2.17). Après le péché d’Adam, deux sortes de morts sont venues : la mort spirituelle (la séparation d’avec Dieu) et la mort physique. Adam et Ève furent bannis du jardin où ils avaient joui de la communion avec leur Créateur, et le processus de la mort physique s’est mis en marche dans leurs corps. Depuis ce jour, nous sommes tous destinés à mourir physiquement, quelles que soient notre justice ou notre méchanceté. Nous subissons les conséquences du péché d’Adam, tout comme les hommes souffrent certains maux tous les jours à cause des méfaits de leurs prochains ou de leurs prédécesseurs. La mort physique vient uniquement de la faute d’Adam – des bébés meurent, mais cela n’a rien à voir avec leur moralité. La mort spirituelle, par contre, est attribuée dans la Bible à la désobéissance de chaque personne individuellement (Éphésiens 2.1 – nous étions morts par nos offenses, pas celles d’autrui).

Au chapitre 7 nous avons un autre indice que l’être humain n’entre pas dans le monde déjà condamné. Dans ce passage Paul détaille le rôle de la loi de Moïse dans l’emprise du péché sur les hommes (ayant dit dans les premiers versets que le chrétien est libéré de cette ancienne loi). Bien qu’elle soit sainte et bonne, la loi aggravait, à cause de la faiblesse humaine, la situation en ce qui concerne le péché. « Pour moi, étant autrefois sans loi, je vivais ; mais quand le commandement vint, le péché reprit vie, et moi je mourus » (Romains 7.9). Paul pense à un temps où il était « sans loi », inconscient de péché, pas encore condamné à la mort. Apparemment ce temps était l’enfance, avant qu’il ne soit responsable devant la loi, avant qu’il n’en ait connaissance, avant qu’il ne soit condamné par elle. Quand, arrivé à un certain âge, il fut instruit dans la loi et mis devant sa responsabilité envers elle (« le commandement vint »), le péché « reprit vie ». Il se manifesta concrètement dans la violation des commandements, et Paul mourut spirituellement.

Qu’est-ce que Paul veut dire alors, quand il dit en Romains 5.19 : « Par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs » ? Étant donné que, comme nous l’avons vu à maintes reprises, « chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même », il ne veut pas dire que Dieu nous déclare coupables d’un acte que nous n’avons pas commis et n’avions aucun moyen d’empêcher – ce serait contraire à sa justice. Mais comment avons-nous été « rendu pécheurs » par le mauvais choix d’Adam ? On peut certainement constater que depuis Adam, chaque personne naît dans un monde où l’humanité entière (toutes les personnes responsables de leurs actes) est pécheresse. Instruits par des exemples imparfaits, voire corrompus, tous continuent dans le même chemin. Quand David dit en Psaume 51.7 : « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché, » il veut dire simplement qu’il est né dans un monde où le péché l’entourait ; ce n’est pas qu’en tant que nourrisson il s’est mis déjà dans la danse. Il est intéressant de noter qu’une traduction littérale d’Actes 2.8 dit : « Comment entendons-nous chacun dans notre propre dialecte, dans lequel nous sommes nés ? » On est « né dans une langue ». Évidemment, l’enfant ne parle pas dès qu’il sort du sein maternel, mais il est entouré d’une langue, et c’est cette langue qu’il apprendra à parler. De même, grâce à Adam et Ève, nous naissons dans un monde empreint du péché. Nous suivons l’exemple de ceux qui nous entourent dès notre enfance. Qui de nous se rappelle le premier péché qu’il a vu ou qu’il a commis ?

Il a aussi été suggéré que « par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs » se réfère à l’idée que tous les êtres humains portent l’étiquette de « pécheur » parce qu’ils subissent tous la punition que le péché a fait venir dans le monde (la mort physique). De la même manière, Jésus porte l’étiquette de « maudit » selon Galates 3.13 : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit est quiconque est pendu au bois. » Christ n’est pas appelé maudit parce qu’il a fait quelque chose de « maudissable », mais parce qu’il a subi le châtiment d’un homme maudit – Deutéronome 21.22,23. La mort est le salaire du péché, et nous recevons tous ce salaire.

Mais pour revenir à l’argument de Paul en Romains 5, le sacrifice de Jésus est suffisant pour annuler tous les effets du péché d’Adam. La mort physique ? « Puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme [Jésus] qu’est venue la résurrection des morts » (1 Corinthiens 15.21). La mort spirituelle ? « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ » (Éphésiens 2.4,5). Cette vie est offerte à tous les hommes qui remplissent la condition d’une « foi qui est agissante par l’amour » (Galates 5.6). « Je vous ai écrit ces choses afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu » (1 Jean 5.13). Les petits enfants qui ne sont pas encore capables de croire ne sont pas concernés par cet offre de la vie, car ils ne sont pas encore morts spirituellement. Ils n’ont pas commis de péché et ne sont coupables de rien.

Ainsi, les bébés n’ont pas besoin du baptême, et Marie n’avait pas besoin d’une « immaculée conception ». En réalité, toute personne bénéficie d’une immaculée conception, étant née dans un état de parfaite pureté. Dieu, « le Père des esprits » (Héb. 12.9), de qui nous recevons « toute grâce excellente et tout don parfait » (Jacques 1.17), ne donne pas au nouveau-né une âme déjà souillée (Eccl. 12.9). Répétons-le :

« Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. » (Ézéchiel 18.20)

B. B.
(Dans Vol. 15, No. 2)


Voir aussi Le baptême des enfants.